Je crois que je glisse au sol. Mais je glisse dans un gouffre. Décédé… Mort… Qu’est-ce qu’elle raconte ? On ne meurt pas à 11 ans

Je crois que je glisse au sol. Mais je glisse dans un gouffre. Décédé… Mort… Qu’est-ce qu’elle raconte ? On ne meurt pas à 11 ans
J’ai besoin de donner du sens à notre histoire, de comprendre la trajectoire tragique qu’a suivie la vie de ma mère et la façon dont ma propre a été façonnée par cet héritage.
Les premiers mots
Lire la suiteTrois semaines après la mort de ma mère, je rêve d’elle : nous marchons sur un chemin raviné, une piste ovale autour de laquelle nous effectuons notre lente révolution : côte à côte, si proches que nos épaules se touchent presque, aucune de nous deux ne parle, chacune dans ses traces. J’ai beau savoir qu’elle est morte, j’éprouve un certain contentement, comme si elle était simplement partir ailleurs et que je lui avais rendu visite.
Autrefois, on n’entendait pas de coup de feu sur ces terres ; on entendait chanter les arbres et les pierres.
Les premiers mots
Lire la suiteLe 28 mai 1830, le président Andrew Jackson signa illégalement l’Indian Removal Act (Loi sur la déportation des Indiens) visant à déplacer par la force les peuples du sud-est de nos terres vers l’Ouest. Nous fûmes rassemblés avec les quelques possessions que nous pouvions transporter. Nous fûmes contraints d’abandonner maisons, presses d’imprimerie, magasins, troupeaux, écoles, pianos, terres cérémoniales, villes tribales, églises. Sous nos yeux, des immigrants entrèrent chez nous avec des fusils, des bibles, des provisions et des familles, prenant ce qui était à nous, tandis que nous étions encerclés par des soldats et déportés tel du bétail, sous la menace des armes.
Né d’aucun amour, je te le dis, plus la peine de s’en faire: nous sommes le fruit de leur espoir fou.
Les premiers mots
Lire la suiteUn soir d’hiver, avec Tante Teresa, on a quitté le bitume de mon enfance. C’est arrivé parce que Maman a claqué comme une ampoule. Clac, fini la vie, fini, d’un coup d’un seul elle a claqué. Noir complet.
Je n’ai plus le temps de haïr. Nous devons nous apprendre à nous servir de notre douleur. Investir dans notre paix, pas dans notre sang, voilà ce que nous disons.
Les premiers mots
Lire la suiteLes collines de Jérusalem sont un bain de brume. Rami avance de mémoire sur une ligne droite et évalue la courbure du prochain tournant.
À soixante-sept ans, il se penche très bas sur sa moto, blouson rembourré, casque bien fermé. C’est une moto japonaise, une 750 cc. Un engin aigle pour un homme de son âge.
Rami ne ménage pas sa moto, même par mauvais temps.
C’est là que j’ai eu cette sensation, celle où tu planes au-dessus du monde.
Lire la suiteLes premiers mots
On a eu des bons et des mauvais jours, certains importants et d’autres insignifiants. Je crois que je pourrais choisir n’importe lequel pour débuter mon histoire. Mais si je suis honnête, et mon intention est de toujours l’être, mon « Il était une fois » commence à un moment précis.
Tout a démarré avec Ivan.
Je répète souvent cette phrase dans ma tête. Papa est mort. J’essaie de me convaincre que la présence du verbe « être » empêche sa totale disparition.
Les premiers mots
DIALOGUES
Prélude
Céline — François ?
François— Oui ?
Céline —C’est Céline Huyghebaert… Ça va ?
François — Oui, oui. ( Ils rient pour camoufler leur malaise.) Et toi ?
Céline — Depuis le temps…
François — Oui, depuis le temps.
Les premiers mots
C’est son amie qui m’avait appelé et laissé un message (je n’appelais plus personne). J’avais laissé sonner. Je revois seulement les lumières d’en face, de l’autre côté de la cour, petits cubes colorés dans la façade, pendant que ma voix enregistrée débitait son message (ses intonations que je détestais).
Plus tard, bien plus tard, il se souviendrait de Brest comme d’un temps où tout était possible. Et où rien, pourtant, ne survenait jamais.
Les premiers mots
– Un café et un muffin, s’il vous plait.
La fille m’a tendu mon plateau. Je suis allé m’asseoir à une dehors. Des enfants jouaient sur les tobogans et les balançoires multicolores.
À cette nouvelle échelle du temps, les six mois d’espérance de vie qu’on lui avait donnés nous apparaissaient une éternité.