Autrefois, on n’entendait pas de coup de feu sur ces terres ; on entendait chanter les arbres et les pierres.
Les premiers mots
Le 28 mai 1830, le président Andrew Jackson signa illégalement l’Indian Removal Act (Loi sur la déportation des Indiens) visant à déplacer par la force les peuples du sud-est de nos terres vers l’Ouest. Nous fûmes rassemblés avec les quelques possessions que nous pouvions transporter. Nous fûmes contraints d’abandonner maisons, presses d’imprimerie, magasins, troupeaux, écoles, pianos, terres cérémoniales, villes tribales, églises. Sous nos yeux, des immigrants entrèrent chez nous avec des fusils, des bibles, des provisions et des familles, prenant ce qui était à nous, tandis que nous étions encerclés par des soldats et déportés tel du bétail, sous la menace des armes.
Quand on lit ce genre de phrases à la page 75, Jusqu’à l’adoption de l’Indian Religious Freedom Act de 1978, il était illégal pour nous, citoyens indigènes, de pratiquer nos cultures. La prohibition englobait la création et la diffusion de chants et d’histoires. Les chants et les histoires d’une culture sont la poésie et la prose d’une autre. Ils sont indispensables à la souveraineté culturelle. Écrire ou créer, pour une personne indigène, était, fondamentalement, illégal, il est évident qu’on est face à un livre qui raconte l’identité dans ce qu’elle a de plus ténue et intime.
Joy Harjo n’a pas son pareil pour poétiser la vie de ses ancêtres, ces Indiens déportés de force suite à la décision du président d’Andrew Jackson. Baptisée de la plus juste des manières, la Piste des Larmes, cette route sera celle qui les éloignera de leurs terres, de leurs arbre, de leur nature. L’aube américaine est un chant d’amour mais aussi une complainte qui dit le malheur d’être dépossédé de ses racines.
Il n’y a pas de mot dans cette langue véhiculaire, pas de mots possédant assez de puissance pour contenir tout ce que nous sommes devenus.
Ce livre se lit comme un hommage aux traditions et aux coutumes, bafouées par les hommes blancs venus sur les terres comme en royaume conquis, tuant ceux et celles qui étaient là depuis la naissance de leur Amérique et violant femmes et jeunes filles. Joy Harjo marque d’une empreinte indélébile les lecteurs et lectrices grâce au pouvoir de ses images d’une force évocatrice sans équivoque.
J’avais déjà été séduite par son livre précédent Crazy Brave et elle réitère, ici, avec une poésie brute, un livre détonnant. Les Editions Globe nous font le cadeau de nous proposer ce livre en version bilingue, pour les anglophones, c’est un vrai plaisir de lire dans la langue sans le filtre de la traduction.
Nous étions prêts à défendre la terre
Et le peuple contre eux
Qui voulaient ce qui ne leur revenaient pas.
On nous appela sauvages
Mais qui est sauvage, là ?
L’Aube américaine de Joy Harjo
Version bilingue
Traduction de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié
Éditions Globe
220 pages, avril 2021
Il faut vraiment que je lise cette auteure malgré mes appréhensions sur un éventuel « excès » de lyrisme.. les thématiques qu’elles abordent m’interpellent beaucoup.
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Ici c’est sous forme de poème en prose, à toi de voir si c’est trop.
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Très envie de découvrir cette auteure avec celui-ci ou son précédent d’autant plus que les couvertures des éditions Globe sont superbes!
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Je suis fan également. Et les textes sont souvent de grandes qualités.
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Une aube très sanglante, on dirait.
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Pas tout le temps 🙂
Certains textes sont des hommages à ses ancêtres, c’est très beau.
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J’ai moi aussi été touchée en plein cœur par certains de ses poèmes entre brutalité et éther… et l’édition bilingue permet en effet de mieux appréhender sa poésie, sa langue 🙂
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Avais-tu lu son précédent?
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Non, mais j’en avais entendu parler. À vrai dire, je l’ai demandé en service de presse sans avoir compris que c’était de la poėsie mais j’ai été agréablement surprise 🙂
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Belle surprise donc 🙂
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J’ai comme l’impression qu’il me sera impossible de passer à côté…
Je trouve que les éditions Globe font un travail extraordinaire.
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Je trouve aussi! J’ai déjà jeté un coup d’oeil aux sorties de septembre… y a du lourd! (Shuggie Bain pour ne pas le citer!)
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