La Vagabonde – Colette 

-Elle est en acier !
Elle est «  en femme », simplement, et cela suffit.

Les premiers mots

Dix heures et demie… Encore une fois, je suis prête trop tôt. Mon camarade Brague, qui aida mes débuts dans la pantomime, me le reproche souvent en termes imagés : — Sacrée graine d’amateur, va! T’as toujours le feu quelque part. Si on t’écoutait, on ferait son fond de teint à sept heures et demie, en brifant les hors-d’œuvre…

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Au bord – Angelo Tijssens 

Certaines choses, chemin faisant, tu dois les laisser derrière toi. Retiens cela.

Les premiers mots

Le goût du sang et l’odeur du plâtre humide. Un peu plus tôt dans la journée, avec un seau à moitié rempli d’eau tiède et une vieille éponge, tu as mouillé les bords du papier peint pour pouvoir décoller plus facilement à la spatule – tout doucement, pour ne pas arracher un morceau de mur par accident. Le plâtre humide, son goût à l’arrière de ta langue, tu le sentiras encore souvent.

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Un amour – Sara Mesa 

Le malaise du bonheur est une idée qui la hante de manière insistante : un genre de bonheur qui contiendrait le germe de sa propre destruction.

Les premiers mots

C’est quand la nuit tombe que le poids s’abat sur elle, si lourd qu’elle doit s’asseoir pour reprendre son souffle. A part le silence, ça ne ressemble pas à ce qu’elle avait imaginé. En réalité, ce n’est pas vraiment du silence.

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La vallée des fleurs – Niviaq Korneliussen 

Avant, je ne croyais pas qu’on arrivait quelque part quand on mourait, maintenant j’y crois de plus en plus, je crois qu’il y a un meilleur endroit quelque part là-bas.

Les premiers mots

Un corbeau est posé sur la grande croix à l’entrée du cimetière. Aucun de ceux que j’aime ne repose dans ce cimetière. Aanaa n’y repose pas. Pourtant, je sens que j’ai perdu quelqu’un ici.

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Un bref instant de splendeur – Ocean Vuong

Je ne sais pas si tu es heureuse, Maman. Je ne t’ai jamais demandé.

Les premiers mots

Je recommence.

Chère Maman,

J’écris pour me rapprocher de toi – même si chaque mot sur la page m’éloigne davantage de là où tu es. J’écris pour revenir au jour où, sur l’aire de repos en Virginie, tu as fixé, horrifiée, le chevreuil empaillé suspendu au-dessus du distributeur de sodas à côté des toilettes, tandis que l’ombre de ses bois s’étendait sur ton visage. Dans la voiture, tu n’arrêtais pas de secouer la tête. «Je ne comprends pas pourquoi ils font ça. Ils ne voient pas que c’est un cadavre? Un cadavre, ça doit s’en aller, pas rester coincé comme ça pour toujours.»

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