N’oubliez pas leurs noms – Simon Stranger 

S comme Stolperstein, ou pavé de la mémoire. Il existe plusieurs moyens pour appréhender l’ineffable, pour s’approprier des événements si inconcevables, si barbares que nos pensées et nos émotions ont besoin de recourir, sous une forme ou une autre, à des béquilles.

Les premiers mots

A comme accusation.
A comme audition.
A comme arrestation.
A comme annihilation, comme anéantissement, comme tout ce qui va être aboli et coulisser dans l’oubli. Les souvenirs et les émotions. Les objets et les biens personnels. Ce qui a constitué le cadre d’une vie.

Julius Paltiel
Hirsh Komissar
Ralph Tambs Lyche



N’oubliez pas leurs noms, comme un mantra. Les énoncer, les dire et y penser.

En Norvège, et un peu partout dans le monde, il y a cette culture du souvenir, que ce soit grâce à des stèles commémoratives ou des plaques en bronze disposées sur les trottoirs. Après la deuxième guerre mondiale, ces pièces ont été beaucoup plus nombreuses, hommage aux victimes juives norvégiennes.

Mille être humains. Combien de descendants ont-ils aujourd’hui? Et inversement : combien de gens ne seraient jamais nés à cause de la Shoah ? Cela fait aujourd’hui soixante-quinze ans que les camps de concentration ont été libérés, que les corps ont été exhumés des charniers, que les familles survivantes ont récupéré quelques miettes de la vie qu’elles menée avant la guerre. Combien de descendants y aurait-il aujourd’hui en Europe si les six millions de Juifs n’avaient pas été tués? Cinquante millions? Plus? Et inversement: qu’en est-il de ceux qui n’auraient jamais existé si personne n’avait risqué sa vie pour les réfugiés?

Une partie de la famille de la femme de Simon Stranger en a fait partie et l’auteur va remonter le fil du temps pour raconter l’histoire d’Hirsh Komissar, arrêté car suspecté de résistance mais aussi, une autre histoire, et c’est tout aussi intéressant, d’un homme banal qui devient pendant la guerre un agent double engagé par les nazis pour traquer les résistants.

Au fil de ses recherches, Simon se rend compte que les destins sur lesquels il est en train d’écrire sont profondément liés. Le livre, écrit à la manière d’un abécédaire, pousse l’histoire au plus profond de l’être humain, dans ce qu’il a de plus dangereux et de plus redoutable.

Savoir que cet homme, Henri Rinnan, a effectivement existé, qu’il a torturé pendant des années des prisonniers dans la cave de sa maison, m’a énormément marquée. Si l’auteur use de la fiction pour imaginer quelques dialogues et quelques situations, le reste a été rapporté de survivant.e.s mais aussi des recherches de l’auteur à Oslo.

Les Éditions globe ont à cœur de mettre entre nos mains des récits toujours plus forts et c’est souvent des lectures qui me touchent. Je vous partage une sélection suggestive de leurs sorties à lire si ce n’est toujours pas fait : Shuggie Bain / L’aube américaine / Pas les mères / Celui qui va vers elle ne revient pas / Fille, femme, autre / Delicious Food

N’oubliez pas leurs noms de Simon Stranger
Traduction du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud
Éditions Globe
336 pages,
octobre 2021

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