Mon père, ce tueur – Thierry Crouzet

Les premiers mots

Mon père était un tueur. À sa mort, il m’a laissé une lettre de tueur. Je n’ai pas encore le courage de l’ouvrir, de peur qu’elle m’explose à la figure. Il a déposé l’enveloppe dans le coffre où il rangeait ses armes : des poignards, une grenade, un revolver d’ordonnance MAS 1874 ayant servi durant la guerre d’Espagne, une carabine à lunette, et surtout des fusils de chasse, des brownings pour la plupart, tous briqués, les siens comme ceux de son père, grand-père et arrière-grand-père, une généalogie guerrière qui remonte au début du dix-neuvième siècle.

Sur l’enveloppe, cette phrase : »A lire quand je serai mort« .
3 ans ont passé depuis le décès de son père et Thierry n’a toujours pas posé les yeux sur les derniers mots de son père.
Avant de plonger dans cette lettre, il a besoin de comprendre Jim, celui qui l’effrayait autant qu’il le fascinait.

Il remonte donc aux origines. Celles qui ont forgé ce père violent et solitaire, qui préférait passait des heures à chasser plutôt qu’être avec sa famille. Et Thierry trouve une partie de ses réponses, dans les récits de son père au moment de son service militaire en Algérie. C’est tout un pan de l’histoire paternelle qui s’ouvre à lui. Dans ses carnets, Jim n’a pas tu les événements les plus douloureux et à son tour Thierry les met en lumière. Torture, meurtre, rapport de force, amitiés sincères, viols, tout y passe. C’est douloureux autant pour Thierry que pour nous, lecteurs, qui sommes associés à cette guerre.

Ce récit autobiographique n’a pas été facile à lire. Le sujet est très dur et ne laisse pas de répit. L’auteur arrive tant bien que mal à se pencher sur lui, de comprendre comment il a pu devenir ce qu’il est après avoir été élevé par un homme si torturé, mais ces passages ne permettent pas une réelle bouffée d’air entre les récits de guerre. J’ai d’ailleurs trouvé que ces moments d’introspection étaient souvent des redites de pensées déjà évoquées. Une légère lassitude m’a alors gagnée au 3/4 du récit.
Toute la force de ce récit vient de l’ambivalence que ressent l’auteur face à son père. C’est une écriture efficace et on sent que Thierry Crouzet y a mis toute son histoire et ses tripes.

– Mon père, ce tueur de Thierry Crouzet, Editions La Manufacture de Livres, 2019, 224 pages –

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