Les douze tribus d’Hattie – Ayana Mathis

Il y a toujours quelqu’un qui attend quelque chose de moi, dit-elle en chuchotant presque. Ils me dévorent vivante.

Les premiers mots

— PHILADELPHIA et Jubilee ! s’écria August quand Hattie lui dit comment elle voulait appeler ses jumeaux. Tu vas quand même pas donner des noms bizarres comme ça à ces bébés!
Si la mère d’Hattie avait été encore de ce monde, elle aurait été du même avis qu’August.

Dix chapitres, dix tranches de vies qui retracent l’existence des 12 tribus d’Hattie.

La vie de cette femme est décrite par le prisme de ses enfants devenus adultes. De leur enfance, nous n’aurons droit qu’à quelques bribes. À nous de remettre les morceaux en place pour comprendre Hattie. Car le principal est là: cette mère avec ses choix, ses rêves, ses décisions prises dans l’agitation, ses révoltes internes.

La souffrance de ses enfants est palpable et les cicatrices sont encore vives par rapport aux agissements de leur mère. Cette femme qui leur refusait des gestes tendres, qui se morfondait de ses enfants morts sans prendre le temps d’être avec les vivants, cette femme inaccessible même pour son mari. Tous ces comportements-là qui font d’Hattie un personnage complexe.

Ils ne comprenaient pas que tout l’amour qu’elle avait en elle était accaparé par la nécessité de les nourrir, de les habiller et de les préparer à affronter le monde . Le monde n’aurait pas d’amour à leur offrir, le monde ne serait pas gentil.

La construction particulière de ce roman aurait pu me refroidir car l’autrice ne s’attarde sur ces destins que sur quelques pages et ne revient pas sur leur vie. Elle les laisse grandir, devenir enfin eux-mêmes.
Ce côté « personnage après personnage » m’avait ennuyée dans No Home et je redoutais de ressentir la même chose. Mais non. J’ai apprécié de devoir construire une image d’Hattie au fil des histoires, de m’interroger  et de me révolter aussi.

L’histoire débute dans les années 20 et la ségrégation raciale oblige les hommes et les femmes a migré vers le Nord, là où les noirs ne sont pas obligés de descendre du trottoir pour laisser passer les blancs. Hattie quitte sa région pour la Géorgie et se retrouve très tôt mère de famille. Ses enfants seront les témoins de grands événements (la Guerre du Vietnam) et devront faire des choix pour se sentir libres. On sent alors toutes leurs difficultés à aller contre ce qu’ils ont connu enfants: un père joueur et flambeur, une mère souvent absente, des grossesses à répétition, de la morosité ambiante. Et aussi se défaire du racisme et de l’homophobie, de la dépression. 

Brassant cinquante ans d’Histoire, Ayana Mathis met en lumière le destin d’une famille afro-américaine entière avec ses failles et ses forces.

– Les douze tribus d’Hattie de Ayana Mathis, Traduction de François Happe, Editions Gallmeister, Collection Totem, 2016, 336 pages – 

 

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