L’art de perdre– Alice Zeniter

Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître,
tant de choses semblent si pleines d’envie
d’être perdues que leur perte n’est pas un désastre.

Les premiers mots

Prologue
Depuis quelques années, Naïma expérimente un nouveau type de détresse: celui qui vient désormais de façon systématique avec les gueules de bois. Il ne s’agit pas simplement d’un mal de crâne, d’une bouche pâteuse ou d’un ventre tordu et inopérant. Lorsqu’elle ouvre les yeux après une soirée trop arrosée (elle a dû les espacer davantage, elle ne pouvait pas supporter qu’il s’agisse d’une misère hebdomadaire, encore moins bihebdomadaire), la première phrase qui lui vient à l’esprit est : « Je ne vais pas y arriver. »

Trois générations racontent l’Algérie de 1950 à 2016. Le grand-père, Ali, son fils Hamid et sa petite-fille Naïma.

Ali quitte son Algérie et se retrouve dans un camp de fortune. Hamid, petit garçon, essaie de comprendre les raisons de leur départ mais le père se mure dans un silence et la mère n’est d’aucun secours. Des années après, Naïma se rend en Algérie sans en connaître davantage. Car cette famille a enfoui les souvenirs, les bons comme les mauvais. L’Algérie est restée là-bas, au soleil. Ici c’est une autre vie que cette famille s’est construite. Une vie faite de privation, de pauvreté, de racisme ordinaire.

Sur trois générations, les personnages sont pris par les mêmes questionnements et le lecteur assiste à la naissance, à la renaissance de ces êtres déracinés

Pour oublier ce pays entier [l’Algérie], il aurait besoin qu’on lui en ait offert un nouveau. Or, on ne leur a pas ouvert les portes de la France, juste les clôtures d’un camp.

Je reconnais qu’un livre est un Grand Livre (pour ma part) quand je le referme et qu’il me trotte dans la tête pendant plusieurs jours. Je reconnais aussi un Grand Livre quand je ne veux pas arrêter ma lecture et abandonner mes personnages. Je reconnais un Grand livre quand il me pousse à aller chercher des informations et que j’ai l’impression d’en apprendre plus sur le monde. Je reconnais un Grand livre quand je note des phrases toutes les deux pages.

« L’art de perdre » fait partie de ceux-là. 

J’ai lu des avis contrastés à propos de ce livre, certains le trouvent un peu plat, d’autres un peu long, d’autres préfèrent la première partie… et puis il y a ceux qui crient au génie. Je n’irais pas jusque là mais j’ai apprécié la plume de l’auteur et toute l’intensité qui se dégage de ces pages. Les personnages sont admirablement bien construits, leurs sentiments les plus profonds sont justes et m’ont émue. J’ai aimé les questionnements sur l’identité et ce qui se cache derrière ces mots. Je me suis sentie entourée d’une chaleur toute particulière en compagnie de ces Algériens qui ont tout quitté et qui n’osent pas retourner au pays de peur d’être considéré comme des traîtres. 

C’est un Grand Roman que ma chère libraire m’a mis entre les mains. Sans elle, je serai passée à côté de ce que j’aime le plus dans la littérature, des sagas familiales qui ne nous lâchent pas. 

Prix Goncourt des Lycéens 2017

– L’art de perdre d’Alice Zeniter, Editions Flammarion, 2017, 512 pages –

38 réflexions sur “L’art de perdre– Alice Zeniter

  1. Marie-Claude dit :

    C’est vrai que j’ai lu des avis divergents sur ce roman. En tout cas, tu me donnes le goût d’essayer. Un roman familial, étalé sur trois générations, ça me parle.
    Mais avant tout, je vais succomber d’abord au dernier roman de Sorj, avant sa parution en poche, finalement!

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  2. zarline dit :

    J’avais bien aimé le premier roman de l’auteur, Sombre Dimanche. Les avis sur cette auteure semblent toujours partagés mais j’avais pour ma part beaucoup aimé sa plume. Le sujet de l’Algérie me tente moyen, mais vu ton billet (et ok, un peu le Goncourt), je risque de m’y intéresser de plus près.

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  3. flyingelectra dit :

    ton avis est contagieux ! je l’ai vu à la LGL et le sujet ne me tentait pas plus que ça mais s’il te trotte encore dans la tête. Il est arrivé à la BM (en réservation) donc je pense le réserver dans quelques mois (s’il gagne le Goncourt je vais patienter trois mois!)

    Aimé par 1 personne

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