Les raisins de la colère – John Steinbeck

Femmes et enfants savaient au fond d’eux-mêmes que nulle infortune n’est trop lourde à supporter du moment que les hommes tiennent le coup.

Sur les terres rouges et sur une partie des terres grises de l’Oklahoma, les dernières pluies tombèrent doucement et n’entamèrent point la terre crevassée. Les charrues croisèrent et recroisèrent les empreintes des ruisselets. Les dernières pluies firent lever le maïs très vite et répandirent l’herbe et une variété de plantes folles le long des routes, si bien que les terres grises et les sombres terres rouges disparurent peu à peu sous un manteau vert.

Un prospectus et des promesses de travail et de richesse(s), c’est sur cette simple donnée que la famille Joad emporte tout ce qui lui reste pour partir dans un état où elle pourra survivre. Entre le fils revenu de prison, la fille enceinte, le grand-père attaché à ses terres, la mère dévouée, c’est toute une palette de personnages aux rêves immenses et à l’espoir fou qui part sur la route 66. Sur cette route justement, et plus d’une fois, on leur fera bien comprendre que la Californie n’a rien à leur offrir, que ces prospectus sont de la poudre aux yeux jetée à des hommes et femmes qui n’ont plus rien à perdre et sont prêt.e.s à n’importe quel boulot pour un salaire de misère. Mais les espoirs sont tenaces et à chaque nouveau coups durs, la famille trouvera en elle les ressources pour aller là où elle ne mourra pas de faim.

Quand Steinbeck s’empare d’un récit familial mêlé à un contexte historique dramatique, la Grande Dépression de 1929, on peut être certain que le destin de celui-ci ne sera pas tout rose. On sent dès les premières pages que la famille en bavera pour sortir de la famine, et on les suit dans leurs pérégrinations, faisant des aller-retours du nord au sud de la Californie à la recherche de ce fameux Graal, un métier qui paie. L’auteur profite de ce roman pour imposer ses idées sur ces entreprises qui profitent de la misère des gens afin de les exploiter au maximum. Tous les éléments, qu’ils soient symboliques ou rationnels, que ce soit dans les passages extérieures à la famille, les points sur la météo qui se dégrade, sont à prendre en considération car ils permettent de cerner entièrement les prises de positions de l’auteur et d’en faire un roman hautement politique et nécessaire.

La 66 est la route des réfugiés, de ceux qui fuient le sable et les terres réduites, le tonnerre des tracteurs, les propriétés rognées, la lente invasion du désert vers le nord, les tornades qui hurlent à travers le Texas, les inondations qui ne fertilisent pas la terre et détruisent le peu de richesses qu’on y pourrait trouver. C’est tout cela qui fait fuir les gens, et par le canal des routes adjacentes, les chemins tracés par les charrettes et les chemins vicinaux creusés d’ornières les déversent sur la 66. La 66 est la route-mère, la route de la fuite.

À la lecture d’un tel classique, on pourrait penser que l’histoire est connue de chaque lecteur ou lectrice qui le commencera mais cela n’était pas mon cas. Tout ce que j’en savais, c’était que ce roman était un chef-d’œuvre et qu’il était d’une tristesse absolue. Plonger dans un roman sans savoir ce qu’il raconte est une expérience que je ne fais quasiment jamais et ici j’ai plongé avec une dream-team-classique : Lili, Moka et Natiora. Durant notre lecture, nous avons pu échanger sur nos ressentis, analyser (merci Lili) les revendications de Steinbeck, crier haut et fort notre amour pour ce genre de littérature. Je vous invite à lire attentivement leurs avis qui, j’en suis sûre et certaine, seront plus éclairés que le mien. Devant une telle œuvre, les mots me manquent (Et celle de demain est du même acabit!)

Le thème de ce mois-ci offre un choix assez spectaculaire : les classiques adaptés en bandes dessinées ou films. Les Raisins de la colère fut adapté par John Ford en 1940 et il remporta deux Oscars, notamment celui du Meilleur réalisateur. Inutile de préciser que ce visionnage est inscrit dans mes futurs projets!

On se retrouve chez : Moka / Lili / Natiora / George / Lolo / Mumu / Mag / Céline / Madame Lit Une Comète / Ourse bibliophile / Un livre, un thé /

Les classiques c’est fantastique!

Les raisins de la colère de John Steinbeck
Traduction de l’anglais (États-Unis) par Maurice-Edgar Coindreau et Marcel Duhamel
Édition Folio
1939 pour la première publication
Adapté en film par John Ford en 1940 avec Henry Fonda, Jane Darwell, Dorris Bowdon, John Carradine
Les Classiques c’est fantastique

John Steinbeck à travers les Pages Versicolores : Des Souris et des hommes / À l’Est d’Eden / Des souris et des hommes – illustré

43 réflexions sur “ Les raisins de la colère – John Steinbeck

  1. Mokamilla dit :

    Quand l’été a commencé, je n’étais pas certaine de participer à notre lecture commune malgré tous nos efforts d’anticipation. Et comme tu me vois ravie de pouvoir dire, alors que septembre pointe le bout de premier jour « Bordel, j’ai lu Les Raisins de la colère et c’était magnifique. »
    Reste désormais à me laisser prendre par les pages d’À l’Est d’Eden que tu m’as si vivement recommandé. J’aimerais le faire avant l’été prochain, mais rien n’est moins sûr !

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  2. Mumu dans le bocage dit :

    Et bien les filles vous avez assuré et mis magnifiquement en valeur cet auteur que je mets sur mon podium livresque et vous pourrez constater dans quelques heures que ce ne sont pas des paroles en l’air.. Steinbeck est l’écrivain des États-Unis mais aussi l’écrivain de l’humanité ❤️

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  3. L'ourse bibliophile dit :

    Vos chroniques sont magnifiques et donnent envie de tout lâcher pour partir sur les routes avec Steinbeck. Je ne vais pas le faire dans l’immédiat, mais avec vos avis et ma lecture de Des souris et des hommes, je place directement cet auteur parmi ceux à découvrir davantage.

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  4. Ingannmic dit :

    Comme je viens de l’écrire chez Moka, un roman que je me promets de relire depuis longtemps, mais j’y viens.. j’ai déjà relu l’an dernier A l’est d’Eden, retrouvé avec autant de plaisir que la 1e fois (d’autant plus que comme pour celui-ci, j’avais quasiment tout oublié de l’intrigue !)

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  5. Choup dit :

    Je ne me souviens honnêtement pas du tout de ma lecture, à 15 ou 16 ans. Juste un énorme coup de coeur (lu en une journée d’immobilité fébrile sous un parasol à la plage). il faudrait que je le relise et voie le film.

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