L’enfant qui– Jeanne Benameur

Tu tentes juste de rester vivant entre le début et la fin.

Les premiers mots

Dans ta tête d’enfant, il y a de brusques ciels clairs arrachés à une peine lente, basse, impénétrable. Ta mère a disparu. Elle avait beau ne jamais être complètement là, c’est à son odeur, à sa chaleur, à ses mains silencieuses que tu prenais appui pour sentir que tu existais vraiment.

L’enfant qui

Doit continuer à marcher, doit se délester du souvenir de la mère, mais pas trop, doit fouler le sol parcouru auparavant ensemble, doit survivre à l’absence, doit toucher du bout des doigts l’envie de liberté de la mère. Il ne parle pas. Sa peine, il la vit seul. Il espère trouver le chemin vers la guérison, se retrouver.

Le père qui

Continue à crier, ne sait plus aimer, abandonne, cherche les raisons et les déraisons de cet amour et de la passion, commence à courber. Séduit dès l’instant où il a rencontré son regard, il ne savait pas où celui-ci allait l’amener. 

La grand-mère qui

Ne prie plus, soutient, observe son petit, espère qu’il ne sera pas comme sa mère.

Trois personnages liés par l’absence de la mère, ce quatrième personnage. Cette femme insaisissable, étrangère à la langue du coin, étrangère au monde. Aucun n’avait de prise sur son regard porté vers l’ailleurs, le lointain. Elle ne pouvait pas continuer à marcher à côté d’eux, elle se serait désagrégée en nuée de poussière. Elle est partie sans un bruit, les laissant nus, seuls, sans clé pour la comprendre. 

J’aimerais t’apprendre, te dire que le monde est vaste et beau, qu’il y a aussi un chemin pour toi.

Jeanne Benameur raconte la destinée de l’enfant, du père, de la grand-mère avec une poésie fragile qui (m’)émeut, qui (me) touche le coeur et l’enserre. 
Survivre à l’absence est possible par les mots, le silence, le souvenir charnel et la force de l’imaginaire. 
L’enfant qui est une ode à l’espoir, au ciel qui peut retrouver ses couleurs et permettre de respirer de nouveau. 

Ce roman peut désarconner sur plusieurs points notamment la difficulté à appréhender le début mais quelques pages plus loin la puissance des mots se fait ressentir. Il me semble que ce livre, très intime, touchera ou pas. Tout dépend de votre façon de le percevoir.

On sait qu’on peut sentir dans l’air du matin le souffle doux de ceux que nous aimons, même s’ils sont morts, même si plus jamais. Cela nous appartient et reste secret.

Merci Jeanne pour ces mots qui ont résonné en moi plus que nécessaire. Comme l’énonce Noukette, une lecture qui s’est révélée nécessaire. Pour elle, pour lui, pour nous

L’avis tout aussi beau de Jérome.

– L’enfant qui de Jeanne Benameur, Editions Actes Sud, 2017, 112 pages – 

(Pour L. et S. ❤ )

36 réflexions sur “L’enfant qui– Jeanne Benameur

  1. AMBROISIE dit :

    J’ai envie de lire cette émotion intense, les histoires de mère qui abandonne tout ça me fascine, ça me touche, parce qu’intérieurement je les comprends comme je comprends les membres d’une famille que la mère disloque aussi.

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  2. adopteunlivre dit :

    Je n’aime pas, j’ADORE !!! Cette auteure est tellement douée et a une prose incroyable. Je suis en train de finir « Présent ? » et j’ai fini par abandonner mon calepin à citations parce que sinon, j’aurais pratiquement recopié tout le bouquin… !
    Merci pour cette découverte que j’ajoute illico presto à ma PAL (je crois d’ailleurs que Benameur et la totalité de son oeuvre peuvent y figurer 🙂 )

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  3. Nad dit :

    Jeanne Benameur, une autre auteure que j’ai follement envie de découvrir.
    Chaque fois que je lis un billet la concernant, je découvre tout un monde de sensibilité. Je suis certaine que comme toi celui-ci résonnerait fort en moi, par sa thématique…

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