Nos âmes la nuit– Kent Haruf

Tu veux que je vienne ce soir? demanda Louis.
T’as intérêt, espèce de vieux dégoûtant.

Les premiers mots

Et puis il y a eu ce jour où Addie Moore rendit visite à Louis Waters. C’était un soir de mai juste avant qu’il fasse complètement nuit.
Ils habitaient  à un pâté de maisons l’un de l’autre dans Cedar Street, le plus vieux quartier de la ville, où des ormes, des micocouliers et un érable solitaire poussaient le long du trottoir en bordures des pelouses vertes qui s’étendaient jusqu’au bâtisses à deux étages. Il avait fait chaud dans la journée mais là, avec le soir, la fraîcheur était tombée. Addie remonta le trottoir sous les arbres puis tourna dans l’allée de Louis.
Quand Louis vint ouvrir elle demanda: Pourrais-je entrer vous parler de quelque chose?

Addie et Louis sont voisins depuis des années. Veufs et habitant seuls, ils passent leurs nuits en solitaire. Cependant Addie commence à trouver cette solitude assez pesante et va faire part à son voisin d’une demande particulière : dormir avec elle. Devant cette proposition insolite, Louis accepte juste, pour voir. Mais le « juste pour voir » se transforme petit à petit en habitude que ces deux personnages ne veulent plus changer. Durant ces nuits, pas de contacts physiques, ou alors juste des mains entrelacées. Non, c’est beaucoup plus. C’est une confiance qui s’installe, ce sont des souvenirs qui remontent à la surface, ce sont des vérités qui sortent enfin. 

Après les nuits, viennent les journées et les septuagénaires vont commencer aussi à se côtoyer au grand jour et devant les autres personnes du comté. Ça fait jaser mais ils s’en fichent. Ils n’ont plus l’âge pour se soucier du regard des autres. Pourtant ce petit bonheur est troublé par la réaction des enfants respectifs qui ne comprennent pas leurs parents. 

Je vous ai expliqué que je ne voulais plus vivre comme ça…pour les autres, ce qu’ils pensent, ce qu’ils croient. Je ne trouve pas que ce soit une façon de vivre. En tout cas, pas pour moi. (Addie)

Tout en délicatesse , Kent Haruf dépeint la rencontre de deux personnes âgées qui n’attendaient plus grand chose d’excitant dans leur vie. Il est arrivé à cerner les craintes et les angoisses que peuvent ressentir les veufs et veuves. Sans tomber dans le cucul (et pourtant ce n’était pas gagné!), il arrive à distiller de beaux sentiments.

Les échanges entre Addie et Louis sont bienveillants, ils ne jugent pas ce que l’autre a pu accomplir dans sa vie passée. 

Sans mièvrerie, l’auteur nous offre une histoire peu banale. 

J’évoquerai cependant un petit bémol: sans dévoiler la fin, je dois dire que celle-ci m’a surprise. J’en attendais un peu plus d’un des personnages vu le caractère montré durant les pages précédentes.

Cela reste néanmoins un beau roman d’amour dans ce qu’il a de beau et de tragique.

– Nos âmes la nuit de Kent Haruf, Éditions Robert Laffont, Collection Pavillons, 2016, 180 pages – 

25 réflexions sur “Nos âmes la nuit– Kent Haruf

  1. Marie-Claude dit :

    Eh ben voilà! Tu n’es plus vierge: tu as enfin goûté à l’oeuvre de Kent!
    Je peux comprendre ton bémol. Cette fin ne m’a pas surprise, juste beaucoup déçue.
    Personnellement, j’ai beaucoup aimé ce roman. Tu le sais, je suis une inconditionnelle de Kent Haruf. N’empêche, j’ai préféré « Le chant des plaines » et « Les gens de Holt County » à ce roman-ci. Donc, dis-toi que le meilleur est à venir!

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