Archives des enfants perdus – Valeria Luiselli

Comme les enfants perdus, on a marché seuls ensemble, mais on se tenait la main toi et moi, parce qu’à partir de maintenant je ne lâcherai jamais ta main.

Les premiers mots

Départ
Bouche ouverte au soleil, ils dorment. Le garçon et la fillette, le front perlé de sueur, les joues rouges et striées de salive sèche et blanche. Ils occupent toute la banquette arrière de la voiture, affalés, membres offerts, lourds et placides.

L’Amérique d’aujourd’hui a oublié les premiers peuples qui ont foulé sa terre. L’Amérique d’aujourd’hui enferme des mineurs qui tentent de fuir leur pays.
C’est cette Amérique-là que notre narratrice, son mari et leurs enfants parcourent en voiture.

Les réfugiés deviennent pour nous « les enfants perdus ». Et d’une certaine manière, je suppose, ce sont effectivement des enfants perdus. Ce sont des enfants qui ont perdu le droit à l’enfance.

A bord, le couple commence à prendre ses distances, chacun se concentrant sur les travaux et recherches qui les animent. Les Apaches pour l’homme et les enfants perdus de l’Arizona pour la femme.
Pour combler les lourds silences, David Bowie et son Major Tom.
Pour ne pas se parler, Sa Majesté des mouches en version audio.
Pour combler les soirées dans les motels, les boites du déménagement qui gardent les livres, ceux importants, ceux dont on ne peut pas se séparer.

… Sachant que les histoires ne règlent rien ni ne sauvent personne mais qu’elles rendent le monde peut-être à la fois moins complexe et plus tolérable. Et quelques fois, quelques fois seulement, plus beau.

Et les histoires de l’Amérique, anciennes ou actuelles, réelles ou fictives, viennent ponctuer ce récit dense et complexe. Parcourir ces kilomètres avec cette famille qui se délite, se raccroche à des souvenirs ténus, se réfugie dans les livres, m’a énormément touchée.
Tout au long de ma lecture, des images du film Babel me revenaient en mémoire avec cette impression de beauté fragile, avec ce ventre qui se tord aux évocations de ces catastrophes humaines.
Le démarrage peut paraitre un peu lent mais quand tout se met en place, on assiste à quelque chose de puissant.

Ce roman est un grand roman qui mérite d’être lu par le plus grand nombre et d’avoir une meilleure visibilité parmi toutes ces sorties littéraires.

– Archives des enfants perdus de Valeria Luiselli, Traduction de Nicolas Richard, Editions de L’Olivier, 2019, 480 pages –

18 réflexions sur “Archives des enfants perdus – Valeria Luiselli

  1. flyingelectra dit :

    Ce livre divise la blogosphère ! j’ai vu des gens qui l’ont adoré et d’autres l’ont très vite abandonné (ne comprenaient pas grand chose..) du coup je vais attendre de pouvoir l’emprunter ou je lirai quelques pages chez le Caribou pour me faire une idée

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