Jeu blanc – Richard Wagamese

C’est ainsi que je grandis dans la crainte de l’homme blanc. Il s’avéra que j’avais raison.

Les premiers mots

Je m’appelle Saul Indian Horse. Je suis le fils de Mary Mandamin et de John Indian Horse. Mon grand-père s’appelait Solomon et mon prénom est le diminutif du sien. Ma famille est issue du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord, les Anishinabés, c’est ainsi que nous nous désignons.

Le début de sa vie n’a été ponctué que de tristesse et de pertes. Saul a très vite compris que pour survivre, que ce soit dans la forêt glaciale ou dans son internat , il devrait endosser une carapace pour ne pas subir les coups et  pour ne pas flancher.

Même avec toutes les précautions pour qu’il ne soit pas envoyé loin de sa famille, c’est avec le cœur meurtri qu’il arrive à St. Jerome’s Indian Residential school, un endroit où l’Indien qui est en lui devra être tu et enfoui, au risque d’être battu et enfermé.
Ces année d’internat feront de lui un garçon meurtri qui n’a d’autres perspectives que de s’isoler dans ses pensées.
Quand il découvre le hockey sur glace c’est un nouveau monde qui s’ouvre à lui, un don s’éveille et c’est avec passion qu’il essaiera d’être le meilleur.

Quand on t’arrache ton innocence, quand on dénigre ton peuple, quand la famille d’où tu viens est méprisée et que ton mode de vie et tes rituels tribaux sont décrétés arriérés, primitifs, sauvages, tu en arrives à te voir comme un être inférieur. C’est l’enfer sur terre, cette sensation d’être indigne. C’était ce qu’ils nous infligeaient.

Jeu Blanc. Jeu de blancs. Dans lequel la diversité n’a pas son mot à dire, dans lequel Saul, après avoir subi les violences à St. Jerome, devra braver les insultes racistes, les coups bas, les moqueries dues à ses origines. Car dans le Canada dès années 70-80, il n’est pas toujours bon d’être Indien. Il n’est tout simplement pas bon de ne pas être comme la majorité.

C’est avec une fougue et une volonté de fer que Saul traverse les épreuves mais sa force sera parfois défaillante, car les artifices d’alcool trouveront son chemin.

Quelle épreuve de vie, quel récit poignant et révoltant. Ce récit, je l’ai adoré dans sa globalité. Même les pages sur le hockey, qui je dois l’avouer n’est pas un sport qui me passionne.

– Saul, dit-il, tu n’aspires jamais à autre chose que ceci? As-tu déjà rêvé d’avoir une famille, ta propre maison, des choses comme ça?
– Pas le temps d’avoir des rêves, répondis-je. Une fois, j’en ai eu. Ça n’a pas marché. Je n’en ai plus.

Richard Wagamese offre un livre sur les origines extrêmement émouvant. Ce qui se dégage de cette histoire est un sentiment de révolte à l’encontre des pensionnats qui ont voulu tuer tout ce qui avait trait aux Indiens : leur langue, leur histoire, leurs coutumes et qui ont insufflé dans leurs esprits une méfiance des hommes et une haine de soi.

– Jeu blanc de Richard Wagamese, traduction de Christine Raguet, Editions 10/18, 2019, 264 pages – 

27 réflexions sur “Jeu blanc – Richard Wagamese

  1. maghily dit :

    Ce roman a l’air terrible [dans les deux sens du terme] !

    La question des origines semble être un de ses sujets de prédilections. 🙂

    Pour l’instant, j’aime toujours autant ma lecture de « Les étoiles s’éteignent à l’aube » et ta chronique, en plus de notre discussion de vendredi me convainc de m’intéresser de près à « Jeu blanc ». 🙂

    Mais avec tout ça, mes envies de retourner au Canada vont à nouveau ce réveiller ! 😀

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    • mespagesversicolores dit :

      Il te le faut!

      Je ne me suis pas (encore) penchée sur la vie de l’auteur mais je crois que c’est important pour lui, ces questions d’origines et de secrets.

      (Moi qui n’ai jamais mis les pieds au Canada, j’ai une furieuse envie de m’y rendre!)

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