Un funambule sur le sable– Gilles Marchand

À vrai dire, je me suis toujours senti comme un funambule. J’ai avancé dans cette société en prenant mille précautions.

Les premiers mots

C’est lorsqu’il est arrivé à la clinique que mon père a compris que tout ne s’était pas exactement passé comme prévu. La couleur des visages des infirmières se confondait avec celle de leurs blouses dans un dégradé de blanc et de gris, certaines n’ayant manifestement pas pris la précaution de les laver à 90 degrés, comme le stipulaient pourtant assez autoritairement les étiquettes. Elles l’attendaient en haut des marches qu’il gravissait désormais au ralenti. 

Entendez-vous les cordes d’un violon vibrer et les sons doucement recouvrir le brouhaha de la ville?
Écoutez, c’est Stradi qui s’émeut, qui s’ennuie ou qui parle simplement aux oiseaux. Depuis sa naissance, il doit apprivoiser le violon logé dans sa tête. Il doit parfois le mettre en sourdine pour ne pas déranger ses petits camarades et aussi pour ne pas se faire remarquer. Mais quelques fois, c’est plus fort que lui, son violon doit s’exprimer et donner de sa puissance. Alors il vibre, il monte dans les aigus, il part dans les graves, il se met à composer ou à interpréter des mélodies connues, Stradi ne peut plus lutter.

Le violon dans sa tête fait de lui un être à part. Pour arriver à dompter cet instrument, pour essayer de marcher sur le fil et non à côté, il pourra compter sur Max, son ami fou de musique et handicapé à sa manière et Lélie, l’amour de sa vie.

Nous concernant, l’appel à l’aide nous envoyait à la figure notre infériorité. Un « j’y arrive pas » devenait lourd de sens. Comme un aveu définitif, comme si on admettait enfin que nous n’étions pas adaptés à cette société, à cette vie.

Gilles Marchand manie les mots avec poésie et magie comme l’a fait Boris Vian des années avant lui. Il invente des situations inattendues dans un monde ordinaire, il arrive à le rendre beau et insouciant tout en gardant un petit pied sur terre. Il arrive à nous faire croire que les personnes qui ont cette étrange particularité existent, qu’il est possible de rattraper une larme tombée sur un trottoir, il arrive à nous prendre par la main pour aller discuter avec des oiseaux farceurs et coquins.

Grâce aux tempi fulgurants, aux allégro enflammés ou aux andante bouleversants, les mots s’enchaînent telles une partition qu’on ne voudrait pas voir s’arrêter.  Laissez-vous porter….vous, amoureux des mots, de la musique (qu’on a tous dans la tête), vous, les passionnés des amours libératrices, des amitiés sauveuses… marchez avec Stradi sur le sable, dans les airs..sur un fil…

Et pour prolonger le bonheur, un petit air de rock, ça vous dirait?

Merci à Moka de m’avoir permis de croiser cette pépite grâce à sa sélection pour les Matchs de la rentrée littéraire 2017.

– Un funambule sur le sable de Gilles Marchand, Éditions Aux Forges de Vulcain, 2017, 354 pages- 

Livre reçu et lu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire 2017. 

#MRL17

24 réflexions sur “Un funambule sur le sable– Gilles Marchand

  1. Dolo dit :

    Fanny, je suis arrivée enfin au bout de ce beau roman, en fait je ne voulais pas le lâcher! Mais que c’est beau! J’en redemande des comme ça! Une poésie tendre, presque puérile, des phrases écrites comme une musique douce. Je n’avais pas lu ton billet avant, sinon je te l’aurais réclamé avant que tu ne me le proposes. Merci ma belle!

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