Peau d’homme – Hubert & Zanzim

Et alors ? J’ai un corps et je n’en ai pas honte.
En soi, il n’est ni bon, ni mauvais.
Ce n’est pas lui le problème :
c’est ton regard qui est sale !

La bande dessinée « Peau d’homme » a été acclamée de toutes parts et récompensée de plusieurs prix. Je suis sûre que les copains et les copines de la BD de la semaine ont été charmé.e.s à leur tour. Les dessins sont superbes, les couleurs rendent extrêmement bien de cette atmosphère de la Renaissance, les illustrations sont pour moi le point fort de cette œuvre.

Cependant, en refermant la dernière page, je sentais que quelque chose me gênait mais je n’arrivais pas à comprendre quoi. J’ai dû parler avec quelques lectrices pour mettre le point sur mon sentiment. Vous savez, ce genre de truc qu’on peut avoir après avoir lu un livre ou une bd : « je ne sais pas si j’ai aimé, je pense que non, mais je ne sais pas pourquoi » (dites-moi que je ne suis pas la seule!)

Ce qui m’a gênée c’est qu‘on est bien dans une bande dessinée avec le point de vue d’un homme. La femme, Bianca, accepte de revêtir une peau pour connaître son futur époux, et de connaitre la vie, … mais à aucun moment lui ne fait le chemin vers elle. Encore une fois ce n’est que dans un sens. Pour Giovanni, toutes les femmes sont pareilles et il n’a pas besoin d’en savoir plus. Lisez plutôt la citation suivante :

Il serait fort utile pour une femme de connaître la vie et les sensations de l’autre sexe, tant les hommes sont pour nous un continent étranger, aux mœurs fort éloignés des nôtres.

« Peau d’homme » offre un récit facile d’accès mais à mon sens ne va pas assez loin dans la déconstruction des stéréotypes. Sous couvert de conte, et donc de magie et de fiction, les auteurs auraient pu aller beaucoup plus loin et proposer une bande dessinée qui casse les codes et qui n’enfonce pas, comme ici, quelques portes déjà ouvertes (le fanatisme religieux, « oui les femmes peuvent avoir du désir », « être un homme dans l’espace public c’est facile, pour une femme, ça l’est beaucoup moins »…)

Je ne veux pas vous spoiler mais la fin est assez significative et un peu en contradiction avec tous les messages pseudo-émancipateurs distillés tout au long de l’histoire. J’avais envie de m’exclamer « tout ça pour …ça? »
J’aurais voulu une prise de position beaucoup plus radicale, que Bianca soit soutenue, qu’elle ne se retrouve pas toute seule à faire l’éducation des hommes, qu’elle soit ENFIN reconnue comme femme (et non comme « sous-homme ») et qu’elle cesse de se cacher, de se travestir pour jouir des privilèges.

Dommage pour moi qui m’étais offerte cette bande dessinée en ayant une attente énorme, tant mieux pour vous si vous avez aimé.

Peau d’homme
Scénario de Hubert, dessins de Zanzim
Éditions Glénat, Collection 1000 Feuilles
160 pages, juin 2020
La BD de la semaine

…c’est chez Stéphie

38 réflexions sur “ Peau d’homme – Hubert & Zanzim

  1. Natiora dit :

    Ton avis tranche avec tout ce que j’ai lu de cette BD. Et je trouve tes remarques très intéressantes. Je n’ai plus qu’à me faire mon avis, mais au lieu de l’acheter comme je le prévoyais, je vais plutôt l’emprunter.

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  2. Laeti dit :

    Ah oui ta déception est quand même grande ! On a déjà échangé sur le sujet. Je n’ai pas interprété cet album de la même façon. Pour moi Bianca a envie de bouger les lignes et y arrive, pas complètement, elle ne révolutionne pas l’affaire non plus, mais arrive à faire entendre sa voix quand même dans une société hyper consensuelle et hyper fermée à l’émancipation de la femme. Je trouve que l’évolution de faire de son côté, et que les hommes restent avec leurs idées, dans leur coin. Ça renvoie à une image fermée des hommes, non ouverte au débat et au changement.

    Mais c’est intéressant d’échanger des avis différents sur une même lecture ! Ça permet d’avoir plusieurs clefs de compréhension !

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  3. maghily dit :

    Ho dommage pour cette BD ! C’est vrai qu’à force de la voir partout, on en attend beaucoup.
    C’est intéressant d’avoir des avis qui vont à contre-courant : ça permet de prendre plus de recul sur certains livres qui semblent faire l’unanimité.
    J’attends désespérément qu’elle soit dispo à la bibliothèque (oui, je sais que je pourrais la réserver, mais j’aime le petit piment que cela ajoute à chaque visite :D).

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  4. Alexielle dit :

    Une BD qui ne m’attirait pas forcément, malgré tous les avis positifs que j’ai pu lire. Le tien est à contre-courant et j’aime beaucoup : finalement, je crois que c’est ce qui va me pousser à la lire, pour me faire à mon tour ma propre opinion ^^ (et je comprends cette sensation de ne pas savoir si on aime ou pas un livre, sans arriver à expliquer pourquoi, ça m’arrive parfois aussi ^^). Par contre, je l’emprunterai peut-être à la médiathèque… C’est plus sage !

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  5. noukette dit :

    Sans paraphraser je dirai que mon avis rejoint celui de Laeti. Je n’ai pas eu du tout la même lecture que toi et cette BD a été un gros coup de cœur. Cela dit je peux tout à fait comprendre que tu n’y aies pas trouvé ton compte, ça arrive 😉

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  6. Alice dit :

    Très envie de découvrir ce titre, mais en même temps j’ai lu tellement de choses dessus que je ne me pressais pas plus que ça. Mais lire ta réserve pique un peu plus ma curiosité et je vais probablement me jeter dessus la semaine prochaine, quand ma pile en cours aura fondu 😀 J’ai rencontré un peu le même sentiment sur la BD de Leonie Bischoff sur Anaïs Nin, que j’ai bien aimé « mais ». Je n’ai pas encore pris le temps d’écrire là-dessus d’ailleurs, pas toujours évident de mettre le doigt sur ce qui coince.

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  7. caro dit :

    Ton avis n’est pas commun, et c’est intéressant justement. Tes attentes étaient peut-être trop grandes, cela arrive quand on lit beaucoup d’avis positifs, on est parfois déçus ensuite… Perso, j’ai aimé cet album.

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