Arbres d’hiver / La traversée – Sylvia Plath

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j’étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.

Sylvia Plath… il règne sur son nom une aura, quelque chose de fascinant et d’hypnotique. En tout cas, elle fait cet effet-là sur moi. Cela est dû à sa vie, à son couple avec Ted Hughes, sa mort et puis surtout à son écriture merveilleusement mélancolique et triste. C’était tout à fait évident que j’allais vous présenter un de ses titres dans le cadre du challenge Les Classiques c’est fantastique et je suis ravie de vous proposer ce recueil aujourd’hui.

Il est étonnant de vous avoir présenté deux poétesses étrangères, moi pour qui la poésie est justement une affaire de sons et de matières. Je crois, mon niveau d’anglais n’est pas suffisant pour l’affirmer avec certitude, que l’on perd de la force d’un poème traduit et je suis heureuse d’avoir à disposition, autant pour Emily Dickinson que pour Sylvia Plath, des versions bilingues.

Les souvenirs de beaux jours d’été succèdent à des odes à la nature et aux bienfaits de celle-ci.
Dans la première partie du recueil, Sylvia Plath décrit des émotions passées, des jeux oubliés et des joies ressenties.
La deuxième partie est totalement différente. Plus noire, plus dramatique. Prenez garde à ne pas aborder ce recueil en une fois, votre cœur pourrait en prendre un coup.

Sylvia Plath par Melinda Hagman

I am vertical
But I would rather be horizontal.
I am not a tree with my root in the soil
Sucking up minerals and motherly love
So that each March I may gleam into leaf,
Nor am I the beauty of a garden bed
Attracting my share of Ahs and spectacularly painted,
Unknowing I must soon unpetal.
Compared with me, a tree is immortal
And a flower-head not tall, but more startling,
And I want the one’s longevity and the other’s daring.
.
Tonight, in the infinitesimal light of the stars,
The trees and the flowers have been strewing their cool odors.
I walk among them, but none of them are noticing.
Sometimes I think that when I am sleeping
I must most perfectly resemble them —
Thoughts gone dim.
It is more natural to me, lying down.
Then the sky and I are in open conversation,
And I shall be useful when I lie down finally:
Then the trees may touch me for once, and the flowers have time for me.

Je suis verticale
Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l’amour maternel
Pour qu’à chaque mois de mars je brille de toutes mes
     feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs
    vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
Comparés à moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de 
   l’autre.

Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête
   attention.
Parfois je pense que lorsque je suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection —
Pensées devenues vagues.
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.
Alors le ciel et moi converserons à coeur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement :
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et 
   les fleurs m’accorder du temps.

Ses poèmes ont été publiés après sa mort par son mari et sa soeur. Sylvia Plath 1932 – 1963

Arbres d’hiver / La traversée de Sylvia Plath, traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Editions Poésie Gallimard, Edition bilingue, 1999, 288 pages –

Les classiques, c’est fantastique!

17 réflexions sur “ Arbres d’hiver / La traversée – Sylvia Plath

  1. maghily dit :

    Je te rejoins sur l’aura qu’il y a autour de cette autrice car sans l’avoir jamais lue, elle exerce un certain attrait pour moi. Je sais que je la lirai un jour, reste à savoir par quoi commencer.

    Ce poème est vraiment sublime (vas-tu réussir à m’intéresser à la poésie ?), merci pour ce partage. 🙂

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    • mespagesversicolores dit :

      Elle a écrit des romans, ils m’intéressent.
      J’avais été voir la pièce Sylvia, mise en scène par Fabrice Murgia et mise en musique par An Pierle. Très étrange mais ça montrait bien la vie et la carriere de Sylvia Plath.

      Je répète, Baudelaire et Aragon sont à lire et à relire ! 😁

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  2. Ingannmic dit :

    J’ai un peu de mal avec la poésie, hormis les « classiques » français (Baudelaire, Verlaine..) mais j’ai lu La cloche de détresse de cette auteure, que j’ai beaucoup aimé.
    Et tu sais qu’avec ce billet, tu peux participer au Mois Américain, dont la thématique du jour est « Ladies first » (https://plaisirsacultiver.com/2020/09/02/billet-recapitulatif-le-mois-americain-2020/)

    Bonne journée !

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  3. Natiora dit :

    Je ne connais Sylvia Plath que de nom et je ne connais rien de sa vie (elle est morte si jeune !!), ni de son oeuvre. J’ignorais d’ailleurs qu’elle était aussi poétesse.
    Les traductions perdent effectivement beaucoup, je l’ai remarqué en lisant celle de Kipling que j’ai préféré présenter en anglais. Rien de tel que de lire dans le texte car la poésie est aussi affaire de sonorité, comme tu le soulignes.

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  4. Mokamilla dit :

    Poétesse très en vogue depuis quelque temps sur IG. (Oui oui, on a les références qu’on peut ma bonne dame !)
    J’ai reçu un petit livret sur sa poésie. Il serait bon que j’y jette plus qu’un oeil.
    So… Poésie: check !
    Rendez-vous antique pour septembre !

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