L’Assommoir – Emile Zola

C’est bête, ça me fait froid, cette machine… la boisson me fait froid…

Les premiers mots

Gervaise avait attendu Lantier jusqu’à deux heures du matin. Puis, toute frissonnante d’être restée en camisole à l’air vif de la fenêtre, elle s’était assoupie, jetée en travers du lit, fiévreuse, les joues trempées de larmes.

Se frotter enfin au grand Émile Zola grâce à l’impulsion de Miss Moka le temps d’un long week-end. Ne plus se contenter d’extraits ténus mais s’abreuver entièrement des pages de ce monument de la littérature et comprendre l’engouement suscité par cet écrivain de talent.

Elle se sentait prise d’une sueur devant l’avenir et se comparait à un sou lancé en l’air retombant pile ou face, selon les hasards du pavé. Tout ce qu’elle avait déjà vu, les mauvais exemples étalés sous ses yeux d’enfant, lui donnaient une fière leçon.

Gervaise, la Banban, la Boiteuse. Celle dont l’idéal de vie était de travailler, de manger du pain, d’avoir un trou à soi, d’élever ses enfants, de ne pas être battue, de mourir dans son lit. Si elle a vécu de manière sporadique ces petits moments de bonheur, la misère, l’ambition débordante, la cohabitation avec un homme mou et alcoolique l’amèneront doucement et inexorablement à sa perte.
Et pourtant Gervaise avait cette capacité à prendre ses distances avec ce qu’elle considérait comme mauvais. Dès ses premier pas à L’ Assommoir,le café du Père Colombe, elle sent tout le poids malsain de cet endroit. Les machines l’effraient et elle répète qu’elle ne boira jamais. Jamais. Quand Coupeau se présente à elle à la suite de sa déconvenue avec Lantier, elle le trouve avenant, travailleur et surtout pas du tout porté vers la boisson qu’il a en horreur. Mais cela ne durera qu’un temps.

Gervaise, Coupeau, Nana ( leur fille), trois personnages liés par la misère et la pauvreté. Zola manie avec finesse ces destins et leurs décrépitudes. Gervaise, notre belle jeune femme, à l’ambition dès plus sincère, à la volonté de fouler les pavés parisiens avec fierté, à l’envie de faire jalouser sa belle-famille, verra sa vie se réduire comme peau de chagrin pour devenir aigrie, mauvaise, jalouse. Coupeau ne lui sera d’aucune aide, l’alcool l’ayant rendu fou. Quant à Nana, les vices se sont déjà profilés dans cette jeune fille.
Zola arrive à nous immerger dans ces endroits humides, sales et puants avec le plus grand des talents. Ses descriptions transpirent la noirceur de ces quartiers pauvres et oubliés des bourgeois de l’époque. D’ailleurs quand ces rejetés veulent se frotter aux beaux quartiers, (l’exemple de la Noce de Gervaise et Coupeau) c’est pour se ridiculiser dans le Louvre où ils sont incapables d’apprécier les œuvres.

Gervaise, à avoir des rêves un peu trop grands ou pas adaptés à sa condition, sombrera elle aussi dans le vice de l’alcool pour finir oubliée de tous. J’ai souffert du déclin de Gervaise sans apercevoir une once d’espoir. Incapable de se sauver elle-même, elle ne pourra pas non plus compter sur les autres.

Ce livre tant de fois redouté et remisé à plus tard, restera sans aucun doute un fort moment de lecture. À moi, maintenant, de me frotter sans crainte dans les autres tomes de cette saga familiales.

L’Assommoir signe le premier livre du challenge « Les classiques c’est fantastique ! » élaboré par Moka et moi dont le thème d’avril était « On a une relation comme ça Émile Zola et moi…« 

Les Zola d’Alice, de Moka et de Natiora .

Rendez-vous en mai pour la suite du challenge avec au menu un classique de la littérature anglaise ou américaine (ou les deux…). Gardez secret votre titre 🙂

L’Assommoir d’Émile Zola, Éditions Livre de Poche, 7e Tome des Rougon-Macquart, 576 pages-

Avril: on a une relation comme ça Émile Zola & moi

34 réflexions sur “ L’Assommoir – Emile Zola

  1. Mokamilla dit :

    Tu commences donc notre rendez-vous avec mon Zola préféré, et ça c’est en soi déjà une belle manière de marquer le début des festivités.
    Quel destin que celui de Gervaise…
    (Je voudrais pouvoir prendre le temps de lire au moins un Zola par mois… Le voeu pieux…)
    Une idée de quel sera ton prochain ? (Nana?)

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    • mespagesversicolores dit :

      J’ai adoré me plonger dans cette ambiance malgré la noirceur et le manque d’espoir. Le rapport à l’argent (tout comme dans La Joie de vivre..), la jalousie, les destins brisés, c’est en fait tout ce que j’aime 😀

      Mon prochain Zola sera Germinal (car c’est celui que j’ai sous la main) mais Nana.. qu’est-ce qu’elle me tente! (En fait, je crois bien que ce sont les héroïnes de Zola que je vais préférer)

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  2. Ma Lecturothèque dit :

    J’avoue que, lorsque j’avais tenté une approche de cette œuvre au lycée, je l’avais trouvée très assommante, justement. Les années ont passé et je me sens désormais un peu plus prête à lire ce roman, mais pas tout de suite. Il me faudra encore quelques années probablement. Ça m’a l’air d’être le genre de roman qui mérite que l’on attende d’être prêt·e à le lire pour l’apprécier pleinement.

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    • mespagesversicolores dit :

      Je me demande comment on peut donner cette lecture complète au lycée.. moi je n’ai dû lire que des extraits et cela m’avait suffi. C’est une oeuvre qui demande du temps et assez de recul pour comprendre dans quel système ça s’imbrique.
      Je suis heureuse de l’avoir lu maintenant, dans ma trentaine, avec un gout certain pour les classiques, sans pression de l’école 🙂

      Si tu es prête, vas-y, prends ton temps.

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      • Ma Lecturothèque dit :

        Eh bien j’étais en L et, si ce n’était pas obligatoire, c’était quand même super méga conseillé de lire ce roman (et notre prof sous-entendait qu’on serait dans la m**de si on ne lisait pas ce roman tellement c’est un grand classique de la littérature, blablabla). Donc je me suis lancée et c’était une mauvaise idée, je ne l’ai pas fini. Mais j’étais contente de reconnaître les extraits étudiés en cours ! Enfin contente… on s’entend.
        Je vais laisser encore un peu de temps passer avant de me relancer dedans mais je pense d’abord découvrir des classiques plus légers 🙂

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  3. Alice dit :

    Je n’avais pas prévu de lire dans l’immédiat ce titre, mais te lire me tente énormément ! Surtout après m’être remise la tête dans la saga grâce à toi et Moka, merci pour cette initiative stimulante 🙂

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  4. Natiora dit :

    Jamais lu encore, et pourtant il est dans ma PAL depuis longtemps puisque j’ai récupéré l’ouvrage de mon père, à l’époque où le dos était rouge chez Le Livre de Poche. Je suis contente que tu aies été conquise par sa plume 🙂 A te lire je suis encore plus pressée d’arriver à ce tome là. Plus que 5 ^^

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  5. maghily dit :

    Allez, si tu as fait un challenge en plus, je vais essayer de me motiver à écrire ma chronique sur La Curée, vu que je l’ai lu en début du mois ! 😉

    Tu vas finir par me donner vraiment envie de réessayer cet affreux roman ! (mais au rythme où je vais…) 😀

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  6. Lili dit :

    Je le trouve parfait, ce billet ! Bienvenue dans l’univers merveilleux de Zola ! Je te souhaite de beaux voyages à ses côtés ! Je garde, pour ma part, de merveilleux souvenirs de La fortune des Rougon, La Curée, Le ventre de Paris, Nana ou L’Oeuvre ♥

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  7. flyingelectra dit :

    j’écoutais aujourd’hui une blogueuse littéraire parler de Zola comme l’un des rares à écrire si bien sur les femmes, donner de la valeur aux personnages féminins. Ton billet rejoint tout cela. Mon frère a lu l’assomoir au lycée et n’avait rien saisi à l’époque. Moi j’avais lu Germinal et bien aimé, sans le coup de coeur à l’époque. Là, en juin je m’attaque à Balzac. Je viens de découvrir Mirbeau que j’ai adoré et je vais reprendre tous les Maupassant (mon seule coup de coeur scolaire)

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  8. Lybertaire Bibliolingus dit :

    Coucou ! Je viens d’en publier la chronique ! Gervaise est à ce jour mon personnage préféré des Rougon-Macquart ❤ Effectivement, elle a de bonnes intuitions au début, elle sait tenir le mal à distance, mais ça devait être encore plus dur à l'époque de renoncer au mariage et à l'hétéronormativité :S

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