Grand Frère – Mahir Guven

La vie ? J’ai appris à la tutoyer en m’approchant de la mort. Je flirte avec l’une en pensant à l’autre.

Les premiers mots

La seule vérité, c’est la mort. Le reste n’est qu’une liste de détails. Quoi qu’il vous arrive dans la vie, toutes les routes mènent à la tombe. Une fois que le constat est fait, faut juste se trouver une raison de vivre. La vie? J’ai appris à la tutoyer en m’approchant de la mort. Je flirte avec l’une en pensant à l’autre. Tout le temps, depuis que l’autre chien, mon sang, ma chair, mon frère, est parti loin, là-bas, sur la terre des fous et des cinglés.

Grand frère  est conducteur de VTC (Uber), moitié syrien, moitié breton. Au volant de sa voiture, il voit défiler sa vie qui lui glisse entre les doigts. Ses plus grands drames l’ont façonné et l’ont transformé. Le premier est la mort de sa mère. Le second a été le départ de son petit frère pour la Syrie. Comment survivre à ces deux absents? Comment comprendre le départ de ce jeune frère?

Quand un jour, celui-ci réapparaît, c’est toute la vie de l’aîné qui en est bouleversée.

Mon seul espoir, c’était le départ, de me casser pour sortir du noir, et trouver la lumière. Faire mon djihad en sauvant des vies. Réparer celles des autres et, au passage, la mienne.

« Wesh »,  » Shtar », « J’m’en bats lek », « les zouz », « le Daron »… tous ces mots ne font pas partie de mon vocabulaire. J’ai du mal à les entendre alors les lire à toutes les lignes… ça partait mal. Mais c’était sans compter la force des mots de Mahir Guven. Il m’a totalement embarquée dans la vie de ses deux personnages, leurs emmerdes, leurs doutes, leurs rages quitte à oublier ce langage de rue pour être à côté de ces frères.

Le récit est divisé en chapitre qui donne alternativement la voix au Grand frère et au Petit Frère. Le dernier explique sa vision de la vie, son rapport à Dieu, sa découverte des textes sacrés et surtout sa volonté en tant qu’infirmier de sauver le monde et de retourner au Cham (la Syrie) pour mener des actions humanitaires. On le suit dans son départ et on se fraie des passages en sa compagnie au milieu des hôpitaux et des blessés. De l’autre côté, Grand Frère attend.

Parce que ça rend ouf de conduire des snobs et des bourgeoises onze heures par jour dans une ville qui sera jamais la vôtre, et de la voir vivre derrière le pare-brise.

C’est un livre sacrément rythmé de part la langue qui peut dérouter et de part la division des parties. Un premier roman qui remue et qui touche par sa belle sincérité. Un beau petit coup de cœur.

Pour ceux qui hésitent encore, ne vous inquiétez pas, Mahir Guven a pensé à mettre un glossaire. 😉

– Grand frère de Mahir Guven, Editions Philippe Rey, 2017, 272 pages – 

18 réflexions sur “ Grand Frère – Mahir Guven

Si vous souhaitez me laisser une trace de votre passage...