Dites-leur que je suis un homme– Ernest J. Gaines

– Tu es un homme Jefferson, bien plus que moi.
– Parce que j’vais mourir bientôt ? ça fait de moi un homme , monsieur Wiggins?

Les premiers mots

Je n’étais pas là, et pourtant j’y étais. Non, je ne suis pas allé au procès, je n’ai pas entendu le jugement parce que j’avais toujours su ce que serait le verdict. Et pourtant j’étais là. J’étais là autant que les autres. J’étais assis derrière sa marraine et ma tante, ou à côté d’elles. Ce sont des femmes corpulentes, mais sa marraine est la plus forte des deux.

Le couperet est tombé: Jefferson est condamné à mort.
Nous sommes en Louisiane, dans les années 40. Le présumé coupable est noir, la victime est blanche. Le jugement est vite établi même s’il n’est pas coupable. Ce noir doit mourir. Pendant le procès, son avocat commis d’office se permet une comparaison avec un porc. C’en est trop pour la marraine de Jefferson. Elle ne veut pas qu’il meurt en ayant la conviction qu’il ne vaut rien. Il est un homme, il le restera et finira en tant que tel sur la chaise électrique. Mais comment lui faire comprendre qui il est vraiment? Emma, la marraine, demande alors à Grant, l’instituteur qu’elle a vu grandir, d’aller parler à Jefferson pendant les derniers mois qui lui restent à vivre pour que celui-ci se redresse et qu’il aille comme un homme vers son destin final. 

La tâche est ardue surtout que Grant ne veut pas de cette mission qu’il pense impossible à relever. Tout au long de ces mois, il essaiera de montrer à Jefferson qu’il n’est pas le porc décrit par les juges mais bien un homme.Il devra ruser et prendre patience. Pour la marraine de Jefferson c’est l’homme qui peut aider son filleul. Il a les mots, il est instruit. Mais l’instruction ne fait pas tout, surtout quand la personne en face refuse d’écouter. 

… Que je prouve à ces blancs qu’il n’est pas un porc mais un homme. Je suis censé en faire un homme. Qui suis-je? Dieu?

Quelle claque! Je ne m’attendais pas à autant d’émotions en lisant le début qui m’a semblé fort lent. Ici, point de grandes actions, ni d’aventures. C’est grâce à Grant que nous connaissons l’histoire, il nous livre sa version des faits tout en s’introspectant. Les échanges entre Jefferson et lui sont au début tellement plats et sans importance, que j’ai eu de la pitié pour lui. Je n’arrivais pas à comprendre comment il y arriverait et j’ai trouvé qu’il avait beaucoup de force et de volonté pour continuer à aller lui rendre visite. 

Les thèmes abordés peuvent faire échos en chacun de nous, une part importante est donnée à la religion et j’ai adoré l’avis de Grant sur la question. Il ne croit pas et est poussé par le pasteur de la famille a en parlé à Jefferson mais ce discours irait à l’encontre de ses valeurs. Pour ce révérend, il n’y a que la religion qui peut le sauver, pour Grant, il s’agit d’autre chose. 

Douze hommes blancs décident qu’un homme noir doit mourir, et un autre homme blanc fixe la date et l’heure sans consulter un seul Noir. C’est ça, la justice ? 

C’est un roman qui monte en intensité sans que l’on s’en rende compte, j’ai été émue par ces dernières pages… Un roman qui porte en lui de nombreux messages comme l’éducation, la famille, l’amour, le respect de soi et la liberté. C’est aussi un roman qui se laisse désirer, beaucoup de pages sont consacrés à Grant et non à Jefferson mais c’est pour mieux comprendre tout l’enjeux de ces échanges. 

J’ajouterai pour terminer, que je préfère le titre de la version originale qui se prête beaucoup mieux à l’histoire.: A lesson before dying. 

Les avis de Jérome et de Nad.

– Dites-leur que je suis un homme d’Ernest J. Gaines, Editions Liana Levi, Collection Piccolo, 2003, 304 pages – 

16 réflexions sur “Dites-leur que je suis un homme– Ernest J. Gaines

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