Blessures– Paul Willems

Alors on se souvient du soleil.

Les premiers mots

Oscar Trogh, le charretier, vivait par les grands-routes. Il aurait pu nous parler de bien des choses si son cerveau n’avait pas été obscurci par la bière et si sa pensée avait pu s’intéresser à autre chose qu’aux quatre ou cinq problèmes qui se posaient à lui, à savoir : ne pas s’endormir au pas de ses chevaux, ralentir l’allure lorsque la sueur s’amassait en écume blanche entre les cuisses de sa jument Julia, pousser du bout du fouet le nonchalant Boule, s’arrêter à temps pour faire souffler les chevaux et faire coïncider ces arrêts avec une halte au cabaret.

Il fait chaud dans la campagne durant cet été. Très chaud. On ne sort pas de chez soi, les bêtes souffrent et aucune pluie ne vient désaltérer la terre de ces villageois. Quand tout est sec, une seule flamme peut engendrer un incendie, et comme il fallait s’y attendre ça arrive. Heureusement, tout le monde s’y met, Maria, Nicolas, la mère de Nicolas, Suzanne, Oskar, etc. Tous sont à pied d’oeuvre. Une fois éteint, l’incendie semble bien loin dans leurs têtes et quoi de mieux que de s’immerger dans l’eau.
C’est tout? Non, c’est le commencement. Suzanne, la belle Suzanne, trébuche et est défigurée.

Elle vivait dans l’événement comme si elle était devenue elle-même le combat contre l’incendie.

Les personnages, alors juste décrits, vont tour à tour, prendre une épaisseur particulière et laisser transparaître leur vraie nature. Car cet accident fait des heureux! Maria, la tenancière du café, veut absolument donner la main de sa fille à Nicolas mais celui-ci était captivé par Suzanne. Une fois défigurée, Maria essaiera d’attraper le jeune homme dans ses filets. Nicolas refuse, en tout cas au début, il peut bien attendre que la blessure de sa belle se soigne et que Suzanne redevienne comme avant. Les autres personnages se croisent et s’observent dans le café. On assiste à la descente aux enfers de la jeune fille qui avait tout pour être heureuse. Chacun joue son rôle, chaque pion est remis à sa place. La chaleur de l’été laisse des traces encore plus profondes que celle d’une cicatrice.

Ecrit en 1945, ce livre sent bon le terroir et la belle Campine belge. Il décrit un village somme toute pareil à tant d’autres, avec ses secrets, ses messes basses et ses coups tordus. J’ai retrouvé le style que j’avais déjà apprécié chez Madeleine Bourdouxhe dans « La femme de Gilles ». Un style exigeant, une écriture belle et singulière. Un beau roman d’une littérature classique belge.

– Blessures de Paul Willems, Editions Espace Nord, 2004, 240 pages – 

 

 

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