Le club des miracles relatifs – Nancy Huston

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Les premiers mots

Quatre hadrosaures viennent chercher Varian à l’aube, un pour chacun de ses membres au cas où il aurait planqué des armes dans son lit, ils garent leur fourgon blindé pile à l’entrée arrière du chalet des Lupins Rouges, traversent le hall à grands pas sans regarder les distributeurs automatiques qui vendent boissons gazeuses et sandwichs, capotes et barres de chocolat, pénètrent dans l’ascenseur, ignorent patiemment la voix féminine électronique les prévènant que les portes vont se refermer, qu’ils sont arrivés au premier étage et que les portes vont s’ouvrir, longent le couloir à pas lourds et pourtant rapides, passent devant des dizaines de portes identiques hormis le chiffre cerclé de rouge en leur milieu, arrivent à celle qu’ils cherchent et, sans effort et quasiment sans bruit, en font sauter la serrure.

Nancy Huston est une auteure que j’ai à la fois adorée et détestée. Adorée dans  » Lignes de faille » (lu, relu, rerelu, offert à tour de bras), « L’empreinte de l’ange », « La virevolte » et détestée dans  » Instruments des ténèbres ».  Il y a donc plus de lectures positives que négatives. Mais où vais-je placer celle-ci?

Dans « Le club des miracles relatifs », l’auteure nous embarque dans un monde étrange. J’ai eu quelques difficultés à situer l’époque. Bien que des dates soient données, quelques détails me faisaient penser à un roman de science-fiction. (Et je déteste la science-fiction).

Les toutes premières pages ont bien failli être les seules lues si je ne m’étais pas accrochée! En effet, entre des mots inventés et des phrases sans ponctuation, j’ai hésité à reposer ce livre.

« Le club des miracles relatifs » c’est l’histoire de Varian mais pas que.

C’est l’histoire d’un monde violent mais pas que.

C’est une fable désespérée mais pas que.

C’est une volonté de se battre coûte que coûte pour ses idéaux mais pas que.

La première découverte avec Varian est introduite avec son arrestation. Même si on le sait plus tard, il est soupçonné d’avoir commis des attentats avec des activistes écologiques.  On est ensuite propulsé dans son enfance.

Ross et Beatrix, la quarantaine, avaient presque renoncé à avoir un enfant. Le miracle se produit et Varian rentre dans leur nid douillet, empli de doux plaisirs et de fêtes.
Ses deux parents le choient malgré le sentiment grandissant que Varian n’est pas tout à fait comme les autres enfants. Il est ultra-sensible et pourtant il ne montre aucune marque d’affection, très intelligent, et parle de façon hachée. Les paragraphes sans ponctuation sont des transcriptions de sa pensée.

C’est  dur  d’être    sur Terre Il    aurait mieux valu    vous attendre toi et p’pa     là haut

Tellement différent qu’il est la honte de ce père bourru et pêcheur. Varian est tout son contraire: intéressé par les mots, le savoir, il est protégé par sa mère qui voit en un lui un génie. Il sera envoyé dans une pension. Malheureusement les autres élèves ne l’apprécient pas et il est vite harcelé. Pour se soustraire à ce monde violent, il est en prise à des séances de masturbations à la limite de l’obsession.

Ces passages sur la vie de Varian et de ses parents sont très beaux et remplissent le roman de passages assez poétiques. Ceux-ci sont entrecoupés par des sauts dans le temps, où l’on retrouvent d’autres personnages dans d’autres lieux dans un monde où les femmes n’ont pas de libertés: une femme qui doit se prostituer, une autre qui doit élever sa fille seule sans aucune aide… Ces destins croisés au fil des pages sont assez tristes. En effet, aucun espoir n’est permis pour ces pauvres âmes.

Nancy Huston nous décrit un monde assez chaotique: le chômage est grandissant, la violence est omniprésente et les dégâts provoqués par des usines rendent les gens malades. 

Vous l’aurez compris, ce n’est pas un livre optimiste et peu d’espoir en ressort. Même si j’ai compris l’histoire de Varian ainsi que celles des autres personnages, j’ai eu quelques difficultés avec la structure de l’histoire. Les passages où Varian parle m’ont assez vite lassée et ne pas savoir réellement le fond de l’histoire m’a profondément questionnée. 

Je recommanderai ce livre aux personnes qui « connaissent » l’univers de Nancy Huston et qui n’ont pas de craintes à être lâché dans un monde assez glauque.

– Le club des miracles relatifs de Nancy Huston, Editions Actes Sud, 2016, 297 pages – 

Ce livre rentre dans la catégorie « Un livre  dont l’intrigue se déroule à une autre époque « du Challenge littéraire 2016 de Mille vies en une.

12 réflexions sur “Le club des miracles relatifs – Nancy Huston

  1. celina dit :

    Merci pour ton billet : j’avais bien noté une parution récente de Nancy Huston mais j’ignorais absolument tout de son sujet. Pas sûre que cela me plaise.
    J’ai aussi beaucoup aimé « Lignes de faille » et « L’empreinte de l’ange » 🙂

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  2. Laeti dit :

    Je t’avoue qu’après ma première tentative avec l’auteure et son titre « Danse noire », j’ai un peu de mal à renouer. Il ne m’a pas déplu, mais il est tellement particulier comme roman, que j’ai eu du mal à situer aussi mon appréciation. Je garde en tête « Lignes de faille » grâce à ton enthousiasme et j’avais aussi noté « Journal de création » qui aborde la maternité.

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  3. Eva dit :

    je connais très peu Nancy Huston je n’ai lu que Bad Girl, pour lequel j’ai eu un avis mitigé – j’ai adoré certaines parties, et d’autres ne m’ont pas intéressée
    Celui-ci me semblait très étrange et ne m’attirait pas du tout …

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  4. valmleslivres dit :

    J’ai beaucoup aimé l’un de ces romans récents qui oscillait entre l’anglais et le français, exercice très périlleux, d’ailleurs, je crois que ce titre n’avait pas bien marché. Moi j’avais adoré et je me demande si celui-ci ne me ferait pas le même effet.

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