C’est une fille » signifie d’abord « Ce n’est pas un garçon

Les premiers mots
« C’est une fille. »
Ça commence avec un mot, comme la lumière ou comme le noir. Ta naissance ressemble à la création du monde, et il y a le ciel et il y a la terre, une parole coupe en deux l’espace, fend la foule, sépare le temps. Ce n’est pas Dieu qui la prononce, toutefois, autant que tu le saches tout se suite, c’est Catherine Bernard, sage-femme à la clinique Sainte-Agathe où l’horloge murale indique cinq heures et quart.
« Une fille, c’est bien aussi« , telles sont les paroles du père de Laurence à la naissance de sa deuxième fille. Lui qui désirait tant un garçon, un fils. Mais alors que faire de deux filles? Et puis une fille, c’est quoi? Qu’est-ce qui compose une vie de fille ? Si on regarde attentivement, on perçoit assez vite qu’il y a de la violence, sourde parfois, de la violence des mots et des gestes. Des blagues lourdes qui restent. Dans la vie d’une fille, il y a tout ce qu’elle n’est pas et ce qu’elle ne peut pas être parce que ça ne se fait pas, parce qu’une fille ne peut pas. Dans la vie d’une fille, il y a ce mot « fille » qui est attaché à sa filiation et à son état. Celui de femme est aussi du même acabit.
Garce. Le mot revient et la hante. C’est une injure. Mais n’est-ce pas d’abord le féminin de garçon ? Tout ce qui est féminin déçoit, déchoit, elle le sait désormais. Garçon, c’est un constat. Garce, c’est un jugement. Le mot, en changeant de genre, devient mauvais. Mais il a des pouvoirs.
Laurence raconte sa vie de fille, de femme, de mère d’une fille. Trois états qui la composent. D’un « Elle » à un « Je » en passant par un « Tu » ( pour éviter le « moi » qui est douloureux), « Fille » développe, raconte, analyse une vie entière. Naissance, petite fille, jeune adolescente, adulte, épouse, mère.
Le ton est parfois léger et devient de plus en plus grave au fur et à mesure que Laurence grandit. Les années 60-70-80-90 défilent et avec elles, tout un pan de l’Histoire des femmes. On assiste en filigrane aux révolutions et aux droits acquis. Ce roman, qui n’en est finalement pas un, m’a embarquée dès les premiers mots grâce à la justesse de toutes ces situations dans lesquelles chacune de nous, à des degrés divers, peut se retrouver. On rit alors. On rit jaune souvent. On se crispe à la lecture de faits jugés anodins mais qui marquent durablement. On se dit « pareil« , on se remémore notre passé, on essaye de se souvenir. On se dit aussi, beaucoup (trop) de fois, « C’est vrai. C’est totalement vrai.«
« Fille » est le roman qu’il me fallait, à ce moment bien précis.
En écho : La femme gelée
Fille de Camille Laurens
Éditions Folio
256 pages, mai 2022
Féminisme en mot
J’ai aussi beaucoup aimé cette lecture. J’y ai trouvé un regard très juste, sans victimisation ni rancoeur.
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Oui, le tout est très juste.
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Je craignais trop de pathos, mais apparemment, ce n’est pas le cas.
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Au contraire (en tout cas pour mon impression)
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Je suis sûre qu’il me plaira, je n’ai plus qu’à le sortir de mes étagères…
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Bonne lecture dans ce cas!
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C’est la deuxième fois que je le croise et, à chaque fois, je me dis que ce livre a tout pour me plaire. Ta chronique est très persuasive.
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Merci 🙂 je te souhaite de le découvrir.
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Je pense vraiment le lire. Ton enthousiasme est communicatif.
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Je pense qu’il pourrait te plaire.
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J’avais largement préféré Celle que vous croyez, l’ironie ici m’avait dérangée, les clichés aussi…
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il m’a plu, je l’ai trouvé dur mais conforme à ce qui se passait à l’époque…
J’ai détesté le père avec conviction 🙂
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