Sur la route – Jack Kerouac

C’était un gosse furieusement excité par la vie et s’il était un truqueur, s’il roulait le monde, c’est seulement parce qu’il voulait vivre de toutes ses forces et se mêler aux autres qui, autrement, n’auraient fait aucun cas de lui.

Les premiers mots

J’ai connu Dean peu de temps après qu’on ait rompu ma femme et moi. J’étais à peine remis d’une grave maladie dont je n’ai rien à dire sinon qu’elle n’a pas été étrangère à cette lamentable et déprimante rupture, à mon impression que tout était foutu. Avec l’arrivée de Dean Moriarty commença le chapitre de ma vie qu’on pourrait baptiser « ma vie sur la route ».

Dean Moriarty est un être solaire, éblouissant le monde et les gens qui gravitent autour de lui. Notre narrateur, Sal, ne lui échappe pas et est obnubilé par cet homme qui brûle la vie par les deux bouts. Après une virée à New York, Dean part pour Chicago, Sal et lui se promettent alors de se revoir pour aller vers l’Ouest, car Sal sent une promesse de vie de voyage et d’insouciance, « Quelque part sur le chemin je savais qu’il y aurait des filles, des visions, tout quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare. »

Il rejoint finalement son ami ainsi qu’une bande de copains à Denver et traverse alors l’Amérique d’Est en Ouest. Les virées se succèdent, parfois se ressemblent et ne restent que les protagonistes. Tout au long de ces voyages, entre grandes évasions et retours à la maison, les personnages rencontrent des auto-stoppeurs, des amis déjà installés, mais gardent en eux cette furieuse envie de prendre la route.

Sur la route n’est pas un voyage d’un point A vers un point B. Ces pages sont sinueuses et parmi elles, on peut se permettre de revenir chez soi pour repartir de plus belle, de faire la paix avec ses copains de route tout en se promettant des virées encore plus lointaines. Irrémédiablement attirée par ce livre, j’étais curieuse de suivre Dean et Sal dans leur road-trip. Le style, dont j’avais lu qu’il était assez spécifique de Kerouac, ne m’a pas entièrement satisfaite et j’y ai surtout vu une succession d’aventures (parfois assez redondantes) sans réel style particulier. Les personnages croisés répondaient souvent au même carcan de personnages désœuvrés, perdus, camés et portés sur l’alcool (et sur les femmes).

Je trainais derrière eux comme je l’ai fait toute ma vie derrière les gens qui m’intéressent, parce que seuls les gens qui existent pour moi sont les déments, ceux qui ont la démence de vivre, la démence de discourir, la démence d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ni sortir un lieu commun mais qui brûlent, qui brûlent, …

Dans « Les femmes voyageuses » le podcast de Girls Power, l’intervenante, Lucie Azema, énonce l’idée que lire Kerouac avec des lunettes de féministe, c’est se prendre dans la figure un roman qui ne porte aux femmes que peu d’intérêt et qui ne se concentre que sur la baise et véhicule bon nombre de stéréotypes sur le couple et le mariage ( Dean se marie plusieurs fois pendant le roadtrip). Peu de considérations sur la paternité sont évoquées, l’auteur préférant que ses personnages laissent les enfants à la mère. Lucie Azéma évoque aussi le fait que Sal profite allégrement de l’argent de sa tante que celle-ci lui envoie quand il en manque tout en trouvant ce dévouement tout à fait légitime.

Si je n’ai pas trouvé ce que je cherchais dans ce livre, je retiens de Sur la route un esprit de camaraderies et une soif de liberté et d’aventure.

Sur la route de Jack Kerouac
Traduction de l’anglais par Josée Kamoun.
Éditions Folio
624 pages, publication originale 1957 (mai 2012 pour la présente édition)
Les Classiques c’est fantastique

On inaugure cette saison 2 avec… Moka / Natiora / Alice / LoLo / Mag / Pati / Céline / Lili / L’Ourse bibliophile / Manonlitaussi / Les Livres de George / Un livre un théMumu dans le bocageMadame Lit / Cristie / Héliéna / Katell / Une Comète / ChoupMagaliCadet / Paolina / San Drine / Les mots feuilletés / Nathy / Cloeblo / Rue du petit village / Amélie

(Pour cette semaine consacrée au thème du voyage dans la littérature classique, j’ai aussi lu L’immoraliste d’André Gide, mais malheureusement je n’ai rien à dire sur ce livre, vite lu et vite oublié. )

43 réflexions sur “ Sur la route – Jack Kerouac

  1. Des Livres Rances dit :

    Je suis passé ma vie durant à côté de Kerouac, jamais lu ni vraiment intéressé ! London a tout raflé. Et même réflexion que toi pour « L’immoraliste » de Gide, même si j’apprécie cet auteur.

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  2. Natiora dit :

    J’avais été plutôt conquise par le style (je lui en trouve un ^^), un rythme assez frénétique amplifié par la musique. C’est ce que je retiens, davantage que l’histoire elle-même. C’est dommage que tu n’aies pas été convaincue mais c’est un roman particulier, il faut le dire.
    J’espère que tes autres lectures de cette semaine t’auront davantage enthousiasmée.

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  3. maghily dit :

    Comme je te l’avais dis, j’en avais tenté quelques pages il y a longtemps et n’avais pas accroché du tout.

    Ton avis, tout comme celui de Lucie Azema, ne me donnent vraiment pas envie de lui laisser une seconde chance [j’avais beaucoup pensé à toi en écoutant ce podcast].

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  4. Sunalee dit :

    Je l’ai lu, il y a très longtemps…
    En fait, il y a deux versions, celle qui a été réécrite et remaniée – celle qui a eu beaucoup de succès, et une version qui reprend le texte original, sans paragraphes, sans retours à la ligne et sans chapitres – une version dont j’ai lu un extrait dans la revue America (et qui a l’air bien compliquée à lire).

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