Mudwoman – Joyce Carol Oates 

M.R.préférait de loin être déçue par les autres qu’être elle-même la cause de déception. Car M.R. pardonnait – volontiers ; elle était très douée pour le pardon.
Elle était aussi très douée pour l’oubli. L’oubli est le principe même du pardon.

Les premiers mots

Tu dois être préparée, dit la femme.
Préparée n’était pas un mot que l’enfant comprenait. Prononcé par la femme, préparée était un mot calme et lisse comme l’eau miroitante des marais de la Black Snake que l’enfant prendrait pour les écailles d’un serpent géant quand on est tellement près du serpent qu’on ne peut pas vraiment le voir.

Abandonnée dans les marais alors qu’elle n’est qu’une toute petite enfant, laissée pour morte et retrouvée par miracle, Mudgirl ne doit la vie qu’au cri strident d’un corbeau protecteur.

La suite de son existence, elle doit la construire entre des parents adoptifs terriblement protecteurs, une appétence particulière pour l’enseignement et l’apprentissage et puis avec une difficulté à être « comme tout le monde ».

Promue au poste de présidente d’une université, Mudgirl devenue Mudwoman alias M.R (pour Meredith Ruth), est une énigme pour toutes les personnes qui la côtoient. Et pour nous qui découvrons son histoire.

Seule dans sa maison d’Echo Lake, propriété de l’Université, M.R. vivait plus intensément que ses collègues mariés. Seule, M.R. vivait plus intensément que si elle avait vécu avec quelqu’un. Car la solitude est la plus grande fécondité de l’esprit, quand elle ne signe pas sa destruction.

À la lecture de Mudwoman, j’ai retrouvé ce qui m’avait fait vibrer lors de ma découverte de JCO : une écriture précise, des situations extrêmement bien décrites afin d’être plongé.e dans un récit où il est impossible de sortir et surtout des personnages féminins, ici Mudwoman, indépendante, libérée des contraintes et se posant des questions sur le couple, la maternité. Elle excelle aussi dans l’art de nous faire voyager entre réel et folie, en se jouant de nous et nous emmenant dans des récits dramatiques à souhait.

Il y a dans le personnage de Mudwoman, je pense, beaucoup de convictions intimes de JCO et cela m’a directement embarquée. On retrouve les thèmes chers à l’autrice comme l’anti-armement, le choix d’avorter. Il faut se laisser aller entre ces pages pour accompagner Mudwoman dans sa chute.
Car de chutes, il en est question tout au long du roman, et ce dès la première page où l’enfant plonge la tête la première dans la boue.
Tour à tour roman sur la mémoire traumatique, sur le destin d’une femme au prise avec son passé oublié, sur la condition d’une femme dans un milieu assez masculin, sur l’histoire des États-Unis après le 11 septembre, sur la décompensation psychotique (tout en ne la nommant pas).

C’est fulgurant.

Ma chère Grande Dame sur le blog c’est ici.

Quand tu lis, tu es à l’intérieur du livre- et là tu es en sécurité.

Mudwoman de Joyce Carol Oates
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban
Éditions Points
576 pages, octobre 2014
En sortir 21 en 2021 (8/21)

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41 réflexions sur “ Mudwoman – Joyce Carol Oates 

  1. Ingannmic dit :

    J’élève une voix quelque peu discordante : je n’ai pas aimé ce titre, que j’ai trouvé traité de manière trop caricaturale… mon histoire avec Oates est faite de fulgurances et de déceptions, et ce titre fait partie de ces dernières.

    Aimé par 2 personnes

      • Ingannmic dit :

        Du coup je copie la fin de mon billet :

        « Malgré quelques beaux passages, l’impression que je retire de l’ensemble du roman, c’est une sorte de lourdeur stylistique qui se manifeste de diverses manières.
        L’auteure se montre trop insistante sur certains éléments, de façon même irrespectueuse pour le lecteur, comme si elle le considérait incapable de comprendre la subtilité, et se sentait obligée de lui mettre les points sur les « i ». A chaque fois, par exemple, qu’elle évoque l’amant de M.R, elle le qualifie, entre parenthèses, de « secret », tic qui devient vite agaçant. Par ailleurs, des répétitions, et certaines longueurs, rendent le texte bavard, et l’intrigue y perd en efficacité, amenuisant l’intérêt du lecteur. J’aurais aimé, pour résumer, que l’auteure traite son sujet avec davantage de subtilité… »

        Sinon j’ai bien aimé Daddy Love moi aussi, ainsi que Les chutes, La fille tatouée, Fille noire fille blanche, Délicieuses pourritures, et surtout Petite sœur mon amour, GROS COUP DE COEUR.. et j’ai Une histoire de martyrs américains sur ma PAL qui, je pense, me plaira !

        Aimé par 1 personne

        • mespagesversicolores dit :

          Merci ! Pour la répétition des faits etc je me suis dit que c’était fait exprès.

          J’avais commencé Petite sœur mon amour mais je n’avais pas continué. Il faudrait que je le retente.
          Fille noire, fille blanche m’avait aussi beaucoup plu.
          Par contre Délicieuses pourritures vraiment pas.
          J’ai vraiment aimé Un livre de martyrs américains, elle traite du sujet avec beaucoup de finesse et elle décortique la famille à sa façon.
          Bonne lecture !

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