Comment réconcilier l’idée que tu m’aimais, que tu aimais notre histoire, notre vie, avec le fait que tu t’es tué ?

Les premiers mots
J’ai eu cette idée de t’écrire une lettre – tant qu’à te parler à longueur de journée. Une lettre qui ira – je ne sais pas, on verra.
Tu es mort et je sais plus vivre. Et je me demande ce que t’avoir accompagné si loin, si longtemps, jusqu’au seuil de la mort, m’aura appris.
Tu sais, non, fuck, pas ce genre de lettre. Comment te dire toutes ces heures que je passe affalée quelque part à pleurer ma vie.
Benjamin s’est suicidé.
Quelques mois après le drame, Laurence, sa compagne, lui écrit cette lettre que nous avons en main. Pour lui dire le manque de lui, le vide laissé, les journées passées, et aussi pour parler de ce qu’était la vie avec lui, les souffrances aussi.
C’était beau, émouvant comme vous pouvez vous en douter. Mais, et la question est toute personnelle, je me suis demandé pourquoi partager quelque chose d’aussi intime. Ce genre de récit me laisse l’impression d’une curiosité mal placée, d’être en trop, entre cette femme qui écrit et le destinataire, Benjamin.
Malgré la douleur, l’idée de t’effacer me rend malade. Et on oublie si on n’active pas constamment les chemins de la mémoire. J’ai l’impression, en parlant du difficile, de te trahir, de nous trahir. Comme si je rendais toute cette histoire confuse, tordue, compliquée. Il faut croire que j’ai besoin d’aller jouer par là, voir ce que ça peut m’apprendre.
Pourquoi est-ce que je n’ai pas parlé plus de ce qui t’arrivait, pendant que ça se passait?
Je peux comprendre aisément le besoin d’écrire mais jusqu’où peut-on partager cela. Le « Tu » m’a mise mal à l’aise. Cette proximité m’a paru déplacée. Peut-être aurais-je davantage apprécié si l’autrice avait pris le biais de la fiction pour raconter son histoire.
Mon avis est très subjectif et le sujet du suicide étant un thème sensible pour moi, j’aurais préféré plus de distance. Je retiendrai de cette lettre une déclaration d’amour et de vie.
Lettre à Benjamin de Laurence Leduc-Primeau
Éditions La Peuplade
112 pages, mars 2021
Bravo tout de même de l’avoir lu. Comme toi je pense que je ne me sentirais pas à l’aise dans cette intimité.
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J’avais eu ce problème avec le livre Vigile.
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Les passages que tu as mis en exergue sont très touchants. Si ce n’était pas sûr un thème si difficile, j’aurais eu beaucoup de plaisir à découvrir cette écriture, mais je ne me sens pas d’humeur à lire sur le suicide.
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J’ai dû choisir les citations, le livre regorge de belles phrases.
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Le point de vue peut en effet être dérangeant, je comprends ton ressenti.
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Je suis heureuse de l’avoir lu mais ce n’est pas mon préféré de la Peuplade 😉
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c’est exactement ce que je ressens avec une Ernaux. Trop intime, trop proche, trop cru. Je vais donc passer.
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Bizarrement, avec Ernaux, je n’ai pas cette impression.
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Enfin, un Peuplade dont tu as un avis plus mitigé!!! Je blague. Je ne comptais pas le lire, celui-là. Tu enfonces le clou.
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Mitigé oui mais je suis contente de l’avoir lu, c’est tout de même très beau.
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mais c’est un roman ou un récit autobiographique? parce que là, ça fait toute la différence pour moi …
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Il s’agit bien d’un récit autobiographique.
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Pour moi aussi c’est un sujet sensible et franchement je n’ai pas envie de rentrer dans un récit aussi intime.
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Alors, passe sans problème.
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Le genre de lecture qui ne me tente pas.
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Effectivement, ce procédé d’écriture offre une place bien particulière au lectorat…
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Certains livres y arrivent, à laisser cette place, mais ici, je n’ai pas trouvée la mienne.
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