Phil savait, Dieu en est témoin, il savait parfaitement ce que c’est d’être un paria, et il avait détesté le monde par crainte que le monde ne le déteste en premier.

Les premiers mots
Phil se chargeait toujours des castrations; il tranchait d’abord l’enveloppe du scrotum et la jetait de côté; il pressait ensuite le premier , puis le second testicule vers le bas, incisait la membrane couleur arc-en-ciel qui l’entourait, l’arrachait et le jetait dans le feu où rougeoyaient les fers à marquer.
Ces deux frères ont vraiment tout réussi. Leur ranch est un des plus riches et leur réputation n’est plus à faire. Âgés d’une quarantaine d’années, George et Phil n’ont besoin de personne et surtout pas d’une bonne femme, veuve avec un gamin qui irait s’amouracher d’un des deux. Mais c’était sans compter l’arrivée de Rose, femme d’un médecin suicidé et mère d’un garçon sensible. Quand George la rencontre, il ressent immédiatement l’amour qu’il n’avait jamais connu alors. C’est tout naturellement qu’elle s’installe, au grand dam de Phil, dans la maison familiale. Phil, ce roman à lui tout seul. Un personnage ô combien détestable, manipulateur, rustre, ayant assez d’intelligence pour savoir piquer là et quand il faut.
Phil avait un esprit pénétrant, curieux – un esprit qu’il enrichissait et qui déroutait maquignons et voyageurs de commerce. Car, pour ces gens, un homme qui s’habillait comme Phil, qui parlait comme Phil, qui avait les cheveux et les mains de Phil, devait être simplet et illettré. Or, ses habitudes et son aspect obligeaient ces étrangers à modifier leur conception de ce qu’est un aristocrate, à savoir quelqu’un qui peut se permettre d’être lui-même.
Sous ses airs de roman de cowboy, ce livre est bien plus que cela. Il égratigne lentement l’image de ce rancher pour laisser la placer à une image peu reluisante, sentant la jalousie à plein nez. On assiste à la lente dépression de Rose qui, malgré l’affection qu’elle porte à George, ne peut se défaire des yeux malveillants de Phil.
Ces deux frères ennemis, on retrouve avec plaisir ce thème assez steinbeckien, ne laissent aucune chance à quiconque de rester dans cette maison. George et son caractère de dominé n’arrive jamais à s’élever au-dessus de son frère. Et Phil profite allègrement de cette aura sournoise qu’il dispense aux gens qui l’entourent. Tragique et noir, Le pouvoir du chien est un roman qui se lit avec cette sensation d’attendre la petite brindille qui pourrait venir enflammer le tout.
Le pouvoir du chien de Thomas Savage
Traduit de l’anglais par Laura Derajinski
Éditions Gallmeister, Collection Totem
288 pages, février 2019 (1967 pour l’édition originale)
Encore un Totem que j’ai très envie d’avoir en ma possession!
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Ahahha il te plairait j’en suis sûre !
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Je l’ai tellement aimé, et effectivement cette lente descente pour Rose, et cette tension particulière, contemplative qui s’ouvre lentement vers cette fin… incroyable fin. Parfois j’ai des coups de coeur qui s’estompent avec les années mais celui-là me reste vraiment dans le coeur et sous la peau. Je n’avais pas fait de lien avec des accents Steinbeckiens à l’époque mais maintenant que le dis..
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C’est sûrement ma lecture de À l’est d’eden qui doit encore jouer 😁
Je comprends ton ressenti et je me dis que ce livre pourrait faire pareil chez moi.
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Oh comme j’ai aimé ce roman !!!
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Il est fou hein !
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Un souvenir de lecture parmi les plus marquants.
Voici ce que j’en avais dit à l’époque : http://www.incoldblog.fr/_post/2007/01/11/Vacher-vachard.html
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Inoubliable!
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J’ignorais que le second testicule était entouré d’un membrane couleur arc-en-ciel ! Eh ben! Je vais me coucher moins niaiseuse!
À lire les commentaires, d’autres gens de bon goût l’ont aussi adoré, ce roman. Autist, Krol, et toi… Je sais ce qu’il me reste à faire!
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Je mets ma main à couper au feu 😁
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