L’Arbre-Monde – Richard Powers

Les arbres ne se battent pas plus que ne se battent les feuilles d’un même arbre. À croire que finalement la nature n’a pas tant de sang sur les crocs et les griffes.

Les premiers mots

Au début il n’y avait rien. Et puis il y eut tout.
Alors, dans un parc dominant une ville occidentale, après le crépuscule, l’air déverse une pluie de messages.
Une femme est assise par terre, adossée à un pin. L’écorce appuie contre son dos, aussi dure que la vie. Les aiguilles parfument l’air, et une force bourdonne dans le cœur du bois. Ses oreilles s’accordent aux fréquences les plus basses. L’arbre dit des choses, en mots d’avant les mots.

On commencera donc par les racines. Celles qui se lient, qui se cherchent sous la terre, qui se touchent pour ne plus jamais se quitter. Ces racines portent les noms de Nicholas, Mimi, Adam, Ray et Dorothy, Douglas, Neelay, Patricia et Olivia.
Neuf personnages que tout oppose: la distance, les origines, les aspirations. Mais ils sont liés par quelque chose de plus intime: leur rapport à la nature, à ce qui les entoure, de façon consciente ou inconsciente.
Ensuite vient le tronc et la lutte pour sauver des arbres de la déforestation. Certains de ces neufs personnages deviennent militants, s’enchaînent aux arbres, deviennent autre.
La cime arrive et avec elle, les désillusions sur ce monde qui accorde trop d’importance à l’éphémère au lieu de regarder ce qu’il offre d’éternel.
Les graines achèvent ce récit pour nous pousser à agir.

Le temps altère ce qu’on peut posséder et « qui » peut posséder. Le genre humain se trompe complètement sur qui est son prochain et nul ne s’en rend compte. Nous devons rembourser le monde pour chaque idée, chaque chose que nous avons volée

Quatre parties qui font un tout immensément dense. Richard Powers nous offre un monde à part, celui des arbres. Un monde qui communique à notre insu et pour lequel des hommes et des femmes seraient prêts à mourir pour le voir continuer à vivre.

Ce livre m’a ouvert les yeux sur ces monstres de la nature, il a réveillé ma conscience, il m’a fait vibrer pour ces arbres que je ne regardais pas/plus. J’ai retrouvé la spectaculaire narration de cet auteur que j’avais tant aimé dans « Le temps où nous chantions« . C’est une œuvre qu’il ne faudrait pas reposer avant de l’avoir fini tant les informations données sont à lire avec minutie. Tout est un régal, cela part de la variété des arbres rencontrés à la construction originale du récit.

C’est avec passion que l’on suit aussi des personnages forts, aux convictions et aux idéaux qui m’ont fait frissonner. Ces personnes-là font bouger le monde bien qu’elles doivent passer par des actions non-recommandables. Richard Powers a choisi son camp, c’est certain, mais il montre aussi d’autres aspects plus pacifiques qui, à leur manière, changent le regard sur cette nature.

Et c’est avec mélancolie que j’ai refermé ce livre-monde. Moi aussi, j’aurais voulu rejoindre Cheveux de Vénus et Veilleur tout en haut de Mimas  et y rester.

– L’Arbre-Monde de Richard Powers, Traduction de Serge Chauvin, Editions Cherche-Midi, 2018, 550 pages –

13 réflexions sur “L’Arbre-Monde – Richard Powers

  1. Lili dit :

    Tous les billets à propos de ce roman me font hésiter… J’ai aussi lu pas mal de gens qui lui reprochent des longueurs. Qu’en as-tu pensé, toi ? En tout cas, malgré tout, le propos reste super tentant, c’est indéniable.

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