Lambeaux – Charles Juliet

Tu as la vague idée qu’en l’écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours tu.

Les premiers mots

Tes yeux immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit ta lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée.

Je n’avais jamais entendu parler de Charles Juliet et il a fallu qu’Amandine en fasse un hommage sur Instagram pour que je sois directement attirée par cette histoire. Elle me l’a ensuite gentiment envoyé avec ces mots « Il est à toi« .

Deux mères hantent ce récit. Une qu’il n’a connue que trois mois et l’autre qui l’a aidé à vivre et à devenir quelqu’un. La jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. Et comme pour se rapprocher de la première, il retrace sa vie, lui livre enfin un « tu » qu’il n’a jamais prononcé. Un « tu » qui dévoile les profondeurs de cette femme, solitaire, vaillante et ô combien malheureuse de sa condition de femme dans cette atmosphère paysanne. Elle qui rêvait de livres et de savoirs doit se contenter de travailler et d’abandonner ses rêves d’ailleurs. Elle qui est tombée amoureuse comme on peut l’être qu’une seule fois dans sa vie, ne se remettra pas du drame qui la touchera et sombrera peu à peu.

Tu te retournes pour t’enfuir mais la porte claque. L’horreur. Comme jetée au fond d’une fosse. Une fosse où croupissent des démolis, des effondrés, les crucifiés de l’interminable souffrance.

La deuxième partie s’ouvre de nouveau sur un « tu » mais ici c’est l’auteur qui se parle à lui-même. Ce « tu » qu’il n’aime pas et qu’il essaie de reconstruire avec des mots, des phrases qui le transformeraient, enfin. Ce « tu » qui grâce à l’amour de cette mère adoptive est un homme aimé et écouté. Mais ce n’est parfois pas assez pour se construire en tant que personne. Les cicatrices invisibles et tues sont douloureuses et il est difficile pour lui d’aller contre ses démons.

Plus tard, tu découvres cette autre évidence: puisque tu ne t’aimes pas, il t’appartient de te transformer. Te recréer. Une certaine exigence t’habite. Elle te soutiendra, te guidera, te fournira la petite lumière qui te permettra de te frayer un sentier dans ta nuit.

Deux récits qui abordent la solitude, celle de la mère et du fils. Ils dévoilent le poids du passé et les conséquences qui en découlent avec une force rarement lue.

Merci infiniment, Amandine.

– Lambeaux de Charles Juliet, Editions Folio, 2018, (original 1995), 155 pages –

 

 

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23 réflexions sur “Lambeaux – Charles Juliet

  1. Marie-Claude dit :

    Crois-le ou non, mais il y a une vingtaine d’année, Charles Juliet était un auteur phare pour moi. Ses journaux m’ont accompagnée pendant plusieurs années. Ses réflexions sur la solitude me parlaient énormément… Je n’ai pas toujours lu de la littérature américaine!!!

    Aimé par 1 personne

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