Ásta – Jón Kalman Stefánsson

Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde?

Les premiers mots

Commençons par le commencement :
nous sommes dans Vesturbær, le quartier Ouest de Reykjavík,
au début des années cinquante du siècle dernier,
je vous expose l’origine du prénom d’Ásta.
Puis je ne maîtrise plus rien.

Helga et Sigvaldi, les parents d’Ásta, ont choisi son prénom avant sa naissance, persuadés qu’ils auraient une fille, ils l’ont trouvé dans Gens indépendants, un livre de Halldór Laxness, paru en 1934-1935. Ils ont lu ce roman pendant qu’Ásta grandissait et se développait dans le ventre de sa mère, et la fin les a fait pleurer.

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L’habitude des bêtes– Lise Tremblay

Dan avait été un accident de parcours, un vrai accident qui change la direction d’une vie.

Les premiers mots

Elle ne voulait pas avoir l’air d’une femme, ni d’une femme ni d’un homme. Tout ce qu’elle voulait, c’était être plate. Avec sa petite taille et ses cheveux courts, elle en était certaine, elle allait être plate et rien. Pour elle, rien, ça voulait dire sans sexe apparent. Ce n’était pas la première fois qu’elle me le disait.

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Dans la forêt– Jean Hegland

Ces jours-ci, nos corps portent nos chagrins comme s’ils étaient des bols remplis d’eau à ras bord.

Les premiers mots

C’est étrange d’écrire ces premiers mots, comme si je me penchais par-dessus le silence moisi d’un puits, et que je voyais mon visage apparaître à la surface de l’eau – tout petit et se présentant sous un angle si inhabituel que je suis surprise de constater qu’il s’agit de mon reflet. Après tout ce temps, un stylo a quelque chose de raide et d’encombrant dans ma main.  Lire la suite

Manikanetish– Naomi Fontaine

Très loin d’être naïfs, ces jeunes avaient conscience de la vie et de la mort, de la souffrance et des moments heureux. Où prenaient-ils toute cette force?

Les premiers mots

Revenir est la fatalité. Dans ce tout petit village, cette nature épineuse, sablonneuse, imaginée de toutes pièces depuis mon enfance, immuables souvenirs.
Dans ma rue, au bord de la baie, je me fondais dans la masse.
Moi la petite fille tranquille. Je pleurais si peu bébé, que ma mère bousculait mon sommeil s’assurant de mon souffle. Je pleurais si peu enfant, que ma mère m’avait oubliée sur les marches de l’escalier. Plus tard, l’étrange justice de la vie a rattrapé chacune de mes larmes.

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4321– Paul Auster

Ferguson n’avait pas encore cinq ans mais il savait déjà que le monde se composait de deux royaumes, le visible et l’invisible, et que les choses qu’il ne pouvait voir étaient souvent plus réelles que celles qu’il voyait.

Les premiers mots

Selon la légende familiale, le grand-père de Ferguson serait parti à pied de sa ville natale de Minsk avec cent roubles cousus dans la doublure de sa veste, il aurait fait route vers l’ouest jusqu’à Hambourg en passant par Varsovie et Berlin et il aurait acheté un billet sur un bateau baptisé l’Impératrice de Chine qui traversa l’Atlantique à travers de rudes tempêtes hivernales pour entrer dans le port de New-York le premier jour du XXe siècle.

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