Sa vie est comme une danse à l’envers, un tourbillon d’eau sale.
Les premiers mots
Elle ne sait pas comment elle s’appelle. Elle ne sait pas en quelle langue sont ses rêves. Elle se souvient de mots en arabe, en turc, en italien, et elle parle quelques dialectes. Plusieurs viennent du Soudan et un autre, de la Vénétie. Les gens disent: « un mélange ». Elle parle un mélange et on la comprend mal. On doit tout redire avec d’autres mots. Qu’elle ne connait pas.
Bakhita « La chanceuse », ainsi est-elle nommée. Son vrai prénom, elle ne le connait pas, l’a oublié à travers ses mille vies.
Sa première commence au Soudan, entourée de ses parents, de sa jumelle, de son frère et de sa soeur ainée. Parmi les plaines, les animaux et la douceur de sa mère. Leur existence prend un malheureux tournant quand l’ainée est kidnappée par des négriers. Il faut alors faire attention, ne pas parler aux inconnus, rester tout près du village. Mais quand on a cinq ans ou sept, elle ne se souvient plus, il est parfois difficile d’obéir aux injonctions paternelles.
Sa deuxième vie commence le jour où elle aussi est enlevée. Débute alors sa vie d’esclave. Une vie de douleurs, de tortures, de menaces de mort, de persécutions. Une vie dans laquelle elle cherchera à se souvenir du regard de sa mère, du visage de sa soeur. Ses autres vies l’emmèneront en Italie où son destin prendra des tournures folles.
C’est cela qu’elle veut. Venir d’une vie juste, comme toute vie avant la connaissance du mal.
Véronique Olmi livre une fresque violente et tortueuse de la vie de la Sainte Bakhita. Les faits sont atroces, les descriptions sont dures à lire, les personnages des négriers sont infects. Et pourtant, je n’ai pas lâché ce roman. Bakhita a une force exceptionnelle. Le mot « vitalité » prend tout son sens en compagnie de cette femme. Elle a douté de son existence, a voulu mourir mais à chaque fois, un souffle, un espoir, l’ont retenue.
Et puis des rencontres l’ont sauvée, même si elles arrivent après les atrocités, elles lui permettent de voir une lueur d’humanité chez certains. Son statut d’esclave la poursuivra toute sa vie malgré tout.
Elle sait qu’il ne faut s’attacher à personne, qu’à Dieu. C’est ce qu’ils disent, mais elle n’y croit pas. Ce qu’elle croit, c’est qu’il faut aimer au-delà de ses forces, et elle ne craint pas les séparations, elle qui a quitté tant de personnes, elle est remplie d’absences de de solitudes.
Cette histoire incroyable est une belle découverte. Premièrement, celle d’une écrivaine que je ne connaissais que de nom. Son écriture m’a touchée et m’a permis d’être au plus près de ce que pouvait ressentir Bakhita. Deuxièmement, celle de cette Sainte au destin fou. Comment une telle femme peut vivre autant de vies tout en gardant sa foi et sa bonté…
Le livre est divisé en deux parties très distinctes, d’abord celle de l’esclavage et ensuite celle de la liberté en Italie. Même si la deuxième partie est plus « légère » à lire, Véronique Olmi n’oublie pas de pointer ce qu’il y a de plus mauvais dans les hommes et femmes qui ont profité de cette soeur noire. L’auteure permet aussi de se plonger dans l’Italie du début du 20e siècle. Bakhita connaitra les deux guerres mondiales et la montée du fascisme. Et c’est avec ses yeux « innocents » que nous assistons à l’horreur et à la métamorphose du monde.
C’est une lecture qui m’a fascinée d’un bout à l’autre, sans temps morts. Une héroïne que je ne suis pas prête à oublier. ( Et je suis déçue de lire certains avis négatifs qui émettent le sentiment d’ennui profond…)
– Bakhita de Véronique Olmi, Editions Albin Michel, 2017, 464 pages –
une héroïne vraiment inoubliable!
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Oh oui! J’ai fait des recherches sur elle après, voir s’il existait des photos 🙂
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n’hésite pas à en discuter avec Agathe (Agathe the book) elle a notamment retrouvé la photo de la couverture dans un musée 😉
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Oui j’avais vu passer cette information sur Insta je pense! 🙂
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Je ne l’ai pas lu mais je sais que j’aimerai le lire après avoir lu ta chronique pleine de sensibilité !
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Merci! 🙂
J’espère qu’il te plaira!
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J’ai également adoré !!!
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Et je comprends pourquoi!
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décidément, il remporte tous les suffrages ! il est sur ma liste mais ça sera pour cet été (là il doit être emprunté pour trois mois à la BM)
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Il a beaucoup de succès oui! C’est une vie passionnante! 🙂
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J’avais détesté son livre précédent donc je n’ai pas spécialement envie de me lancer avec celui-ci…
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Je comprends que tu ne veuilles pas réitérer l’expérience 🙂
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Je l’ai repéré sur le blog d’Ellettres qui en a fait une magnifique critique également. Vos deux avis me donnent vraiment envie de découvrir ce roman !
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Et beaucoup d’autres lecteurs l’ont aussi adoré! 🙂
Belle découverte à toi!
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Comme toi, j’ai adoré ce livre, dans la sensibilité de la plume, dans l’amour de Véronique Olmi pour son personnage, pour cette histoire incroyable de cette petite fille, si touchante, si vraie, qui a tant de résilience, et que je n’oublierai jamais
La façon de raconter cette vie est tellement plus empathique que dans certains romans américains fameux…
Véronique
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Quel plaisir de te croiser ici Véronique 🙂
C’est vrai que j’ai ressenti aussi beaucoup d’empathie de la part de l’auteure. C’est un destin que je n’oublierai pas.
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