Au revoir là-haut– Des mots aux bulles

Le pays tout entier était saisi d’une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants.

 

Les premiers mots

Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement. Aussi, en octobre, Albert reçut-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice. Il ne leur prêta pas plus de crédit qu’à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles quelles s’écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande.

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Entre ciel et terre– Jón Kalman Stefánsson

En cas de choix entre la vie et la mort, la plupart des gens optent pour la vie.

Les premiers mots

C’était en ces années où, probablement, nous étions encore vivants. Mois de mars, un monde blanc de neige, toutefois pas entièrement. Ici la blancheur n’est jamais absolue, peu importe combien de flocons se déversent, que le froid et le gel collent le ciel à la mer et que le frimas s’infiltre au plus profond du cœur où les rêves élisent domicile, jamais le blanc ne remporte la victoire.

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Les Fragiles– Cécile Roumiguière

Elle se force à être gaie, ce qui est certainement la plus profonde façon d’être triste.

Les premiers mots

Drew.
Drew Castan, dix-sept ans, toutes mes dents. Drew, Drew Castan… Arrête Drew! La tempête, les images. Faut les bloquer. Des bulles acides. Les crever. Je voudrais vomir.
J’ai envie de vomir depuis l’âge de neuf ans, depuis ce jour où mon père a lancé ce « sale nègre » par la vitre de la camionnette. Pas son premier « sale nègre », mais ce jour-là, le nègre c’était Ernest, le gardien du stade. Ernest qui m’encourageait tous les mercredis depuis deux ans chaque fois que je flanchais. Ce mercredi-là, il a traversé en dehors des clous, il aurait pas dû.

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Et je danse aussi– Anne-Laure Bondoux & Jean-Claude Mourlevat

J’ai reçu votre message comme on reçoit un bonbon.
Je l’ai posé sur ma langue, et je l’ai laissé fondre doucement durant toute la journée d’hier, au gré de mes promenades.

Les premiers mots

De: Pierre-Marie Sotto
À: Adeline Parmelan

Chère Madame Parmelan,
Rentrant de voyage ce samedi, je trouve dans ma boîte aux lettres cette volumineuse enveloppe portant votre adresse mail au dos. Je suppose qu’il s’agit d’un manuscrit. En ce cas, je vous remercie de la confiance que vous me témoignez, mais je dois vous informer que je ne lis jamais les textes qu’on m’envoie. C’est le travail des éditeurs. Pour ce qui me concerne, je ne suis qu’écrivain et j’ai bien assez de mal avec ma propre écriture pour avoir la prétention de juger celle des autres.

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