Le quatrième mur – Sorj Chalandon

Vous ne savez pas. Personne ne sait ce qu’est un massacre. On ne raconte que le sang des morts, jamais le rire des assassins.

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Les premiers mots

Je suis tombé. Je me suis relevé. Je suis entré dans le garage, titubant entre les gravats. Les flammes, la fumée, la poussière, je recrachais le plâtre qui me brûlait la gorge. J’ai fermé les yeux, les mains sur les oreilles. J’ai heurté un muret, glissé sur des cables. La moitié du plafond avait été arrachée par l’explosion.


Aux amoureux du théâtre, aux amoureux de la tragédie

C’est un projet fou que Samuel a voulu mettre en place: monter Antigone d’Anouilh au Liban, au beau milieu de la guerre, en regroupant des acteurs de différentes confessions religieuses qui se battent sur le terrain mais qui sur scène pourraient accorder une trêve à cette guerre. « Voler deux heures à la guerre en prélevant un cœur dans chaque camp ». Malheureusement, il est incapable de mener à bien ce rêve fou. Il va alors le proposer à Georges. Son ami, son frère. Sam lui donne les noms des acteurs et le lieu où se produira la pièce. 
Georges accepte mais arrivé au Liban, il comprend rapidement que son ami ne lui a pas facilité la tâche. Il ne sortira pas indemne de cette aventure. 

J’ai commencé ce roman et je l’ai vite déposé car j’ai senti que cette lecture allait me prendre aux tripes. Le début m’a paru ardu avec ces pages assez longues pour expliquer la rencontre entre Georges et Samuel, leurs combats en commun et leur idéal de liberté. Pourtant, je me suis vite laissé entraîner par ces deux amis dans cette douce utopie.  Est-ce vraiment possible de pouvoir monter une telle pièce avec des acteurs qui s’entretuent dans la « vraie » vie? On y croit, tout comme Georges. Et on veut y croire jusqu’au bout. Malgré la guerre, malgré la haine et malgré le sang. 

J’étais prêt pour la petite maigre. Prêt à accueillir en moi cette victime choisie par le destin. Prêt aussi à me soumettre à ce devoir fraternel. Je ne connaissais d’elle que son refus de vivre. Je ne savais de moi que mon envie de vivre.

Ce roman est fort, très fort grâce aux personnages qui gravitent autour de Georges. J’ai été charmée par l’Antigone de ce roman, une belle palestinienne, j’ai aussi été séduite par Hémon, un druze, assez jeune. Créon quant à lui, m’effrayait… Sorj Chalandon nous fait revivre l’histoire d’Antigone (d’Anouilh) en même temps que l’histoire de ces personnages en guerre. 

C’est assez compliqué pour moi de parler de ce bouquin tellement la lecture a été intense. J’ai pourtant écrit ce billet plusieurs jours après l’avoir terminé mais les mots me manquent. Je peux juste vous dire que j’ai été emportée par cette histoire au point d’y penser quelque temps après avoir fermé le livre. J’ai versé quelques larmes également et eu des frissons en lisant les scènes reprises d’Antigone. D’ailleurs, après cette lecture, je me suis ruée sur ce cher Anouilh pour relire cette tragédie.

Pour ma première lecture de 2017, je commence l’année avec un texte fort et poignant. Une lecture qui ne peut pas être un coup de cœur mais un coup de poing.

J’ai déjà emprunté « Retour à Killybegs » du même auteur qui je le sens déjà me plaira tout autant.

la-fete-forraine-75x60Peinture du peintre libanais Elie Kanaan. En souvenir d’un personnage du livre.

– Le quatrième mur de Sorj Chalandon, Editions Grasset, 2013, 329 pages – 

(Sinon, au niveau des lectures déprimantes, ça se passe comment? 😉 )

21 réflexions sur “Le quatrième mur – Sorj Chalandon

  1. Mokamilla dit :

    Alors, j’ai -dans mon « coffret livres » déposé au pied du sapin- reçu pas mal de titres de cet auteur dont on m’a dit tant de bien. Noukette m’a offert la BD du 4e mur, j’aime d’amour Antigone. Je crois que toutes les conditions sont réunies pour me plaire non ? ^^

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