et on a vu les premiers jets de pierres et les bousculades mais il semble que la police n’a rien dit
Les premiers mots
Nous deux, Tonino et moi, on n’aurait jamais imaginé ce qui allait arriver – Paris au-dessus de nos têtes et cette fois on ne s’y arrêterait pas. On a glissé sous Paris et les wagons du métro filaient vers la gare du Nord, sans que ni Tonino ni moi ne nous disions, tiens, et si on s’arrêtait quand même voir le temps et l’argent qu’on n’a pas nous filer entre les doigts? Non, on ne s’est pas arrêté, on a filé comme ça jusqu’en Belgique, sans regarder la France et le temps qu’on laissait derrière nous, sans attendre que Tonino agite ses mains, larges comme on imagine, celles d’un boxeur ou d’un désosseur de vieilles voitures, en spatules, carrées, robustes, pour nous promettre des moments formidables.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de paraphraser l’histoire. Tout le monde la connaît. Ou si vous ne la connaissez pas, il s’agit du drame du Heysel, en 1985, à Bruxelles. Lors d’un match de la finale de la coupe d’Europe des Champions, entre l’Italie et l’Angleterre, des grilles de séparation et un muret s’effondrèrent sous la pression et le poids de supporters, faisant 39 morts et plus de 454 blessés.
Dès les premières lignes, je me suis demandée qui de Jeff, Tonino, Geoff, ses frères, Tana ou Francesco allait mourir. Et au fur et à mesure des pages, ce n’est pas la question de qui meurt mais comment survivre à cette tragédie après l’avoir vécue de près.
Je voudrais parler et dire arrêtez-vous, expliquez-moi mais non, c’est là, devant, ça grossit encore – tout à coup je comprends que je n’ai rien vu. Le pire est à venir, impossible, impensable. Et toujours cette violence qui dévaste jusqu’à la possibilité de trouver les mots pour la dire,
Mauvignier a l’audace de faire parler des protagonistes que tout oppose. Nous rencontrons Jeff et Tonino, amis de longue date qui arrivent à Bruxelles la veille du match et qui espèrent obtenir des billets. « La chance » est avec eux, ils rencontrent un couple, Gabriel et Virginie, les deux pigeons de l’histoire, auxquels ils volent les billets. Sans regrets.
La parole est ensuite donnée à Geoff. Le cadet d’une famille anglaise, supporter de père en fils. Lui, le foot, c’est pas trop son truc, mais son père renonçant au voyage, il voit l’opportunité de partager enfin quelque chose avec ses frères. Annonçant le directement, ses frères sont assez portés sur la bagarre et la boisson. Et on découvre peu à peu leur rôle dans ce drame.
Cours! Cours Tana!
Il faut courir, mais toi tu es resté derrière moi me protéger, je le sais, puisqu’ils ont jeté des canettes et des cailloux, des morceaux de verre et j’entends ta voix couvrant à peine les hurlements autour de nous.
Les différentes voix racontent le début de cette journée de malheur, la chaleur, l’alcool et puis l’irracontable, le début de la cohue, la recherche des amis, de l’amour de notre vie, la volonté de survivre malgré la pression des corps. C’est fort, ça donne la nausée, ça nous emprisonne dans une atmosphère de poussière et de terreur. Et pourtant, il est impossible à lâcher ce livre, malgré les longueurs et les répétions.
Parce que pour le coup, quelques phrases auraient pu être supprimées. Plusieurs fois, Mauvignier raconte la même chose, à quelques lignes d’intervalles. Je peux comprendre le style recherché mais je trouve que ça plombait le récit qui est assez dense.
Mais en dépit de ces bémols, j‘ai été touchée par le personnage de Geoff qui sait depuis le début que ce voyage sera une mauvaise idée, s’il savait. S’il savait que ce drame changerait toute la vision qu’il avait de sa famille et en particulier de ses frères. J’ai aimé Tana, sa douleur, à vif, incomprise. Tonino et Jeff. Gabriel et Virginie.
Ces images qui s’écrasent contre les visages et les cris, les pleurs, la foule qui surgit sous la poussière, des ombres dont le flux va s’écouler, des gens par dizaines, par centaines, se répandent et courent maintenant pour trouver une issue, et les visages – cette trouille et la hargne d’avoir crié et hurlé, ils sont là, à envahir la pelouse par centaines
– Dans la foule de Laurent Mauvignier, Éditions de Minuit, 2006, 376 pages –
Bon, je suis mitigée. La construction du roman et le sujet m’intriguent, mais les «redites» me plaisent moins. J’y songe…
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C’est un auteur à découvrir. (Du moins avec ses romans comme celui-ci ou ses précédents, parce que le nouveau ne réjouit pas tout le monde)
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je l’ai lu il y a pas mal d’années…et je n’en garde quasi aucun souvenir !
Je vais bientôt lire « Continuer » et je finirai sans doute par relire celui-là…
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J’espère que tu apprécieras « Continuer » parce qu’apparemment il ne fait pas l’unanimité.
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Ma première rencontre avec cet auteur a été tellement catastrophique que je préfère en rester là.
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Je me souviens de ton billet sur « Continuer »..
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Je ne me souviens plus des longueurs, je l’ai lu il y a 10 ans (mazette !)
Mais je me souviens avoir trouvé ce récit haletant, impossible à lâcher comme tu le soulignes, et les personnages marquants. J’avais beaucoup aimé
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J’avais juste envie de dire à ce Laurent « ok j’ai compris ce que tu voulais dire… »😉
En tout cas j’en garderai un souvenir fort. Et aussi parce que je n’ai pas pu m’empêcher de regarder des photos de l’époque..’
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Un auteur qu’il me reste encore à découvrir…!
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Et quand on lit sa prose on a envie de le découvrir après. (Apparemment pas Jérôme… 😉)
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C’est bien d’entendre parler de lui pour autre chose que son dernier titre.
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Merci Moka!
Et ce roman me fait dire qu’après deux de ses romans, je suis peut-être enfin prête à lire son nouveau. 😉
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Pour moi ça a été une véritable claque littéraire. J’ai adoré l’histoire mais surtout l’écriture. Et comme tu le dis si bien, ce qui importe finalement n’est pas de savoir si les personnages vont s’en sortir mais comment vivre « l’après ». Les longueurs ne m’ont pas dérangée, si ce n’est la fin quand la tension et l’adrénaline du récit redescendent.
J’avais beaucoup aimé Des Hommes également et son dernier Continuer que je te conseille si tu ne les a pas déjà lu.
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Merci pour ton commentaire.
Je compte lire son nouveau malgré les quelques critiques négatives lues mais je suis habituée à sa plume et je suis convaincue que je l’apprécierai! 😉
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Limite, je pourrais me lancer avec son autre roman « Autour du monde » qui aborde le tsunami, si je me rappelle bien. Mes son style que tu décrits ne me dit rien, les redites, le manque de ponctuation, les longueurs, tout ça me fait fuir!
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C’est vrai que c’est spécial mais grâce à cette technique d’écriture, l’auteur fait ressentir beaucoup de tension.
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