L’orangeraie – Larry Tremblay

Celui qui a le courage de s’élever embrasse d’un seul coup d’oeil toute sa vie. Et aussi toute sa mort.

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Les premiers mots

Si Amed pleurait, Aziz pleurait aussi. Si Aziz riait, Amed riait aussi. Les gens disaient pour se moquer d’eux: « Plus tard ils vont se marier ». Leur grand-mère s’appelait Shahina. Avec ses mauvais yeux, elle les confondait tout le temps. Elle les appelait ses deux gouttes d’eau dans le désert. Elle disait : « Cessez de vous tenir par la main, j’ai l’impression de voir double. » Elle disait aussi : « Un jour, il n’y aura plus de gouttes, il y aura de l’eau, c’est tout. » Elle aurait pu dire : « Un jour, il y aura du sang, c’est tout. »

C’est une douce odeur d’oranges qui m’a accompagnée tout au long de ce douloureux récit. 

Une bombe vient de détruire la maison des grands-parents. Une bombe provenant d’un ennemi que le lecteur ne connaît pas. Un jour, Soulayed, un homme du village voisin, vient voir Zahed et demande  à celui-ci de choisir un de ses jumeaux. Il devra se munir d’une ceinture d’explosifs et se faire exploser pour le bien de la communauté. Mais qui choisir? Comment choisir? Amed le courageux? Ou Aziz le malade? Ils n’ont que neuf ans et leur enfance est déjà terminée.

Larry Tremblay nous dépose dans un pays sans nom dans une époque inconnue et pourtant qui résonne douloureusement dans nos coeurs et dans nos corps. Des bombes, des camps d’ennemis, des villages ravagés, des familles décimées.  

Mais pourquoi faut-il vivre dans un pays où le temps ne peut pas faire son travail? La peinture n’a pas le temps de s’écailler, les rideaux n’ont pas le temps de jaunir, les assiettes n’ont pas le temps de s’ébrécher. Les choses ne font jamais leur temps, les vivants sont toujours plus lents que les morts.

Cette histoire se lit comme un conte. Le contenu y est certes important mais ce qui en ressort c’est la tension dégagée dans ces quelques pages. C’est un livre à lire dans un souffle et pourtant lentement pour ressentir les mots et leur portée. C’est un livre universel qui touche au plus profond de notre âme car le langage est simple et son sens profond.

Pour ce genre de livre, il n’est pas nécessaire d’en écrire trop. Je rajouterai juste que ce roman est devenu un de mes indispensables. 

– L’orangeraie de Larry Tremblay, Editions de la Table Ronde, Collection Folio, 2015, 153 pages – 

Livre acheté dans le cadre de la journée « le 12 août, j’achète un livre québécois ». (Coucou Marie-Claude 😉 )

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