Dans la rue la première question serait: Est-ce qu’elle va vivre?
Puis: Qui a fait ça à cette fille?
Les premiers mots
Zavez vu ma fille? Mon bébé?
Elle arriva telle une procession de voix bien qu’elle ne fût qu’une voix unique. Elle arriva le long de Camden Avenue dans le bas quartier de Red Rock, dans le centre-ville de de Pascayne, douze pâtés d’immeubles comprimés entre les voies de la New Jersey Turnpike et le cours de la Passaic. Dans l’ombre sinistre des hautes travées du pont Pitcairn, elle arriva. Telle une mère de l’Ancien Testament cherchant son enfant perdu.
La scène s’ouvre sur les cris d’une mère à la recherche de sa fille. Celle-ci a disparu et personne ne semble l’avoir vue. La mère perdue alpague les passants en leur montrant la photo de sa chère Sybilla.
Elle avait été abandonnée à la mort.
Elle avait été battue, violée et abandonnée à la mort.
Elle avait été ligotée comme un animal, battue, violée et abandonnée à la mort.
Une enfant, une jeune fille noire. Traînée dans la cave de la vieille usine de poissons et si elle n’avait pas réussi à se débarrasser de son baîllon, à appeler à l’aide, elle serait morte, là, au milieu des immondices.
Le deuxième chapitre est la découverte de la jeune fille. Elle est retrouvée battue, laissée pour morte, salie d’excréments et des injures racistes ont été écrites sur son corps.Elle est emmenée à l’hôpital et très vite la mère Ednetta veut que sa fille sorte. Quitte à ne pas faire d’examens ni de soins approfondis.
Une policière est amenée à enquêter sur cette abominable agression mais elle ne rencontre pas l’aide nécessaire de la part de Sybilla. Celle-ci se mure dans un silence et ne communique finalement que grâce à quelques post-it sur lesquels elle écrit :
FLICS BLANCS – PORTE UN BADGE – CHEVEUX JAUNES – AGE 30 – BLANCS – TOUS BLANCS
Un choc pour la policière. Des policiers blancs mêlés à une sombre affaire de viol? Ça fait remonter à la surface quelques sales souvenirs, surtout dans cette partie de l’Amérique, le New Jersey, qui a vécu les émeutes des années 60.
La mère et la fille quittent l’hôpital et ne donnent plus de nouvelles. Elles ne portent pas plainte et s’isolent de tous. Cette policière ainsi que d’autres personnes aimeraient intervenir mais face au mutisme de cette jeune victime ainsi que celui de sa mère, il est impossible de faire avancer l’enquête.
Un révérend entend parler de cette affaire et sent le bon filon pour faire passer ses messages anti-blancs, se disant militant des droits civiques. Il séduit la mère avec de douces paroles et convainc Sybilla de se montrer. La difficulté est que les médias ont l’air de s’en fiche de cette histoire. Tour à tour, de chapitres en chapitres, des voix viennent témoigner à propos de ce drame: des enquêteurs, des membres de la famille, un avocat et des témoins.
Nous sommes en 1987 et pourtant ce roman offre une vision très contemporaine de ce qu’il se passe de nos jours en Amérique. Et dans une certaine mesure, dans le monde, avec l’influence des extrémistes religieux.
Quel bonheur de retrouver ma Joyce Carol Oates dans ce roman qui m’a quelque peu déstabilisée. Pas de manichéisme, tout le monde a une part sombre et de lourds secrets. Peu à peu Oates nous montre les vrais visages des différents protagonistes.
Plusieurs fois dans ce roman, l’histoire des droits civiques est expliquée et j’ai apprécié d’en savoir encore plus, notamment sur ces fameuses émeutes.
Encore une fois, l’auteure dissèque la machine américaine en nous proposant des anti-héros et des personnes qui sont happées par leur réalité et leur désespoir.
– Sacrifice de Joyce Carol Oates, Editions Philippe Rey, 2016, 384 pages –
Waouh, sombre ! Mais cela me dirait bien. Cela doit être une lecture choc en tout cas.
Toi qui es inconditionnelle de Joyce Carol Oates, tu pourrais m’en conseiller un ? J’avoue très mal la connaître (honte à moi ! )
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Il y a « Carthage »! Une bonne entrée en matière. Ensuite, plus dérangeant « Daddy Love ». J’ai aimé aussi « eux », « étouffements » (nouvelles), « jeune fille noire, jeune fille blanche », « confessions d’un gang de filles », « j’ai réussi à rester en vie ». Voilà pour ceux qui m’ont beaucoup plu!
J’aimerais un jour lire « Blonde » et son journal. 😉
J’espère t’avoir éclairée 😉
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Ça fait plus qu’un mais tu as le choix 😉
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Merci pour ces titres ! J’ai de quoi me régaler
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J’ai adoré ce roman. Il me reste à rédiger le billet! J’ai aimé, ici, l’absence de manichéisme. Tout n’est pas noir ou blanc. Elle m’a complètement menée par le bout du nez, de la première à la dernière page. Très fort, ce roman…
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Je suis très bon public donc je m’interdis de penser, de spéculer, etc , moi aussi je suis restée sur les fesses jusqu’au bout!
Je l’ai déjà prêté à quelqu’un qui avait beaucoup aime Carthage, j’espère qu’il en sera de même avec celui-ci!
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Le sujet m’a l’air assez dur (mais bon, on est chez JC Oates ^^)
J’avais un peu mis de côté cette auteure, jusqu’à Daddy Love, je pense donc lire celui-ci également.
(mon préféré est Confession d’un Gang de Filles )
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C’est aussi un de mes préférés! D’ailleurs, je l’avais prêté à une amie qui n’a pas aimé du tout, et j’en ai été fort « choquée »! 😉
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Une de mes toutes prochaines lectures !
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J’ai hâte d’avoir ton avis!
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Il faudra que je le lise! Ça fait un moment que je n’ai pas lu de Joyce Carol Oates, rien ne va plus..!
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Rien ne va plus, non! Allez zou, file-le lire et aussi Daddy Love tiens!
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Ouiii! Ma liste à lire concernant Oates est bien longue 😀
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La mienne aussi! Il y en a d’elle que je veux absolument lire! Comme Blonde, Les chutes!
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Pareil, ils sont dans la bibliothèque de ma mère, il faudra que je les lui pique à l’occasion !!
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Elle a bons goûts! 😀
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On a les mêmes, c’est elle qui m’a donné le virus de la lecture !!
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A voir la pile de JCO, j’ai affaire à une vraie fan! Mon cas est moins net, mais je sais reconnaître que JCO a bien réussi son roman.
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Oui, je suis fan (j’avoue…) parfois déçue mais je lui laisse toujours une chance de se rattraper et là, elle a encore marqué des points!
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Grrr, tu m’as donné envie de le lire… Comme si ma pile n’était pas déjà assez haute;-)
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Désolée 😉 mais il en vaut la peine!
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Pour découvrir cette plume que tu « vends » très bien, j’ai noté « Carthage »! Il y en a pas mal à la bilbio…
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Si tu aimes Carthage, tu voudras continuer à la découvrir!
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tu es une fan de l’auteure ( cf la citation en entête :)) ! J’ajoute le lien de ton billet , nous avons en effet eu les mêmes ressentis.
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Oui très! Une fois découverte j’ai ressenti le besoin de découvrir ses facettes . Et elle me touche en tant qu’écrivain et en tant que femme. 😉
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