À la découverte de Jonathan Franzen

Pour aujourd’hui, ce sera deux lectures du même auteur, Jonathan Franzen. Inconnu au bataillon il y a quelques mois, c’est par Marie-Claude que j’ai été tentée d’en savoir plus. Ne faisant pas les choses à moitié,  j’ai englouti ces deux romans à une semaine d’intervalle!

Ces deux lectures faisaient partie de mes lectures de cet été !

Attention ça risque d’être long…

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J’ai tout d’abord commencé par « La zone d’inconfort’. Aïe.

Résumé: Une famille ordinaire du Missouri puritain des années 1970. Une mère possessive, un père désabusé. Deux fils : un hippie révolté et Jonathan Franzen himself, adolescent mal dans sa peau, équipé de « biceps en fromage blanc », exclu du club très fermé des gars cool du lycée, craignant les filles mais vouant une passion dévorante à Thomas Mann, à Charlie Brown et à Snoopy…

Les premiers mots

Il y avait eu une tempête à St. Louis, ce soir-là. L’eau stagnait dans les flaques noires fumantes sur le trottoir devant l’aéroport et, du siège arrière de mon taxi, je voyais des branches de chêne s’agiter sous les nuages bas d’une sorte de langueur convalescente: la pluie ne tombait pas, elle était déjà tombée.

Ce n’est pas un « roman », c’est une histoire personnelle, un retour en arrière sur sa vie en tant qu’adolescent dans une ville du Missouri avec des parents conservateurs, un frère épris de liberté et un regard sur sa vie d’adulte. 

Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé (je l’aurais arrêté) mais beaucoup de références américaines des années 70′ m’étaient inconnues pour que je m’imprègne totalement de ce récit. Heureusement Google est mon ami et j’ai pu rechercher les informations manquantes. 

Cependant, je dois avouer que l’adolescent Franzen m’a fait sourire: être obligé de s’habiller comme sa mère l’a décidé parce que les jeans sont considérés comme mauvais et son obsession à vouloir être populaire. Difficulté renforcée car ses goûts sont à l’opposé de la mode du moment. Fan de Snoopy et autres, ça ne le faisait pas quand les ado étaient plutôt branchés hippie et drogues…

Ma mère venait d’un monde où les tee-shirts de couleur se situaient sur le même plan moral que les lits à eau et la marijuana, et elle refusait de m’en laisser porter.

Cette partie sur son adolescence a été celle que j’ai préférée.

J’ai eu plus de difficultés avec les autres chapitres. C’est dû au fait que tout le roman soit en « zigzag » (pour reprendre une expression lue au sujet de ce livre), on passe de sa vie d’adulte en train de gérer le deuil de sa mère, à sa vie d’adolescent… plus d’une fois, je me suis sentie perdue. 

J’en garde un avis mitigé mais je suis convaincue du talent de Franzen ce qui concerne les descriptions des relations familiales et son auto-dérision.

Justement, les relations familiales! Voilà, le sujet du deuxième roman  » Les Corrections ».


 Les premiers mots

La folie d’un front froid balayant la Prairie en automne. On le sentait quelque chose de terrible allait se produire. Le soleil bas sur l’horizon, une lumière voilée, une étoile fatiguée.

Presque 700 pages pour ce roman fleuve qui retrace  la vie de la famille Lambert. Tour à tour on y suit le père, la mère, les fils et la fille. Ces personnages américains sont comme je les aime : beaux et presque parfaits extérieurement et quand on frotte, on découvre des faiblesses, des cassures, de la dépression, des malaises, des tourments… 

La famille Lambert va mal, très mal. Le père, Alfred, est atteint de la maladie de Parkinson, accompagnée par des épisodes d’hallucinations. Il ne sait plus se gérer et c’est sa femme, Enid, qui doit tenir la maison. Elle qui aspire à autre chose!

La maladie du père est vécue différemment par les membres de la famille. Le fils Chip ne s’en soucie pas trop, l’autre fils, Gary, voudrait que sa mère vende la maison et que le père soit placé en maison de santé, et la fille, Denise n’a pas le temps d’y penser vu sa vie un peu chaotique.

Tout au long de l’histoire, on est transporté d’un personnage à l’autre, on remonte le temps, on s’immisce dans leurs pensées les plus inavouables, et qu’est-ce que c’est bien!

Le père a quelques difficultés pour exprimer ses sentiments et en fait voir de toutes les couleurs à sa pauvre femme.

Enid refuse qu’il se laisse aller et l’embarque dans des voyages qui épuisent le pauvre homme. Elle essaie de garder la face devant ses amies en leur parlant de ses enfants, en modifiant la réalité, en ne montrant que le positif, mais parfois ça craque. 

Enid aurait préféré mourir plutôt que de reconnaître que ses propres enfants la décevaient, mais entendre parler des enfants décevants des autres – de leurs divorces sordides, de leurs abus d’alcool, de leurs investissements inconsidérés – la faisait se sentir mieux.

Chip est un adulte qui a peur des responsabilités, qui aime coucher avec de jeunes femmes et qui a du mal à se faire reconnaître en tant qu’écrivain.

Gary est un peu parano. Pourtant tout lui réussit : marié à Caroline, père de trois garçons, et banquier. Cependant sa femme a la fâcheuse habitude de liguer ses garçons contre lui et de le faire passer pour un méchant. D’où sa propension à douter de tout et de tout le monde.

Denise, ma préférée, se cherche. Indépendante et  libérée, elle n’a pas peur de coucher à droite à gauche; Même avec des hommes mariés. Mais, au cours d’une de ses relations, elle va se découvrir lesbienne (ou bi, ou .. on s’en fiche des étiquettes) et cela va chambouler sa vie.

Tout ce petit monde vit sa vie indépendamment l’un de l’autre. La fratrie n’est pas si soudée que ça et les parents vivent dans un coin reculé de tous. Pourtant, Enid ne souhaite qu’une chose: les voir tous réunis à Noël qui serait peut-être bien le dernier d’Alfred.

Enid avait le pressentiment que la famille qu’elle avait essayé de rassembler n’était plus la famille dont elle avait le souvenir – que ce Noël ne ressemblait en rien aux Noëls d’antan.

Vu la petite déception de « La zone d’inconfort », j’avais quelques craintes. Et au final, j’ai apprécié. Même si ça a été long… il m’est arrivé de sauter quelques passages qui ne me semblaient pas intéressants, pour y revenir ensuite et constater que j’avais eu tort de les ignorer! Je n’ai plus dès lors osé passer des pages.

Un autre petit point négatif a été les explications et les biographies précises sur tous les personnages que rencontrent nos protagonistes… j’ai trouvé que c’était de trop.

MAIS le point positif est l’humour noir et cynique de Franzen!  Aucun personnage n’est parfait, on gratte, on tire sur des ficelles, pour découvrir des hommes et des femmes avec des défauts cachés et des désirs honteux.

Si vous voulez commencer « Les Corrections » soyez patients et n’abandonnez pas 🙂

La zone d’inconfort – une histoire personnelle de Jonathan Franzen, Edition de l’Olivier, 2007, 228 pages –

Les corrections de Jonathan Franzen, Edition de l’Olivier, 2002, 694 pages

16 réflexions sur “À la découverte de Jonathan Franzen

  1. Camilla dit :

    Un auteur que je ne connais pas du tout… J’aimerais tout de même le découvrir, je note « Les Corrections » mais peut être pas pour tout de suite (car ma PAL déborde^^)
    En tout cas, merci pour cette découverte ! 🙂

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  2. Electra dit :

    oh amusant car j’ai remis à jour mon challenge 50 états 50 romans et j’ai laissé Les corrections (jamais lu non plus de Franzen)… donc j’ai lu en diagonale ton billet .. bon les 700 pages ne seront pas pour maintenant mais tu assures

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  3. celina dit :

    Félicitations pour ces lectures qui sont denses !! J’ai lâchement abandonné « Les Corrections » en cours de lecture il y a quelques années quand c’était paru (je travaillais en librairie à l’époque, je ne suis plus toute jeune, et il y avait eu un accueil du tonnerre pour ce livre) et ne l’ai toujours pas repris. Je peine à lire des romans trop biographiques, avec beaucoup de détails sur les personnages mais peut-être devrai-je essayer une seconde fois ? Ton billet en tout cas m’y encourage 🙂

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    • lespagesversicolores dit :

      Moi par contre, j’ai du mal à reprendre un livre abandonné 😀

      Je ne peux que te le conseiller! Des livres qu’on a commencés « jeune » qui nous ont déplu peuvent nous plaire quelques années après, on les aborde d’une nouvelle façon et ils se révèlent!
      Pour ce qui est des détails sur les personnages, c’est ça qui m’a le plus déplu.. À toi de voir!

      (J’ai emprunté « Des hommes » de Mauvignier, je compte le lire en septembre 😉 et j’ai commandé « Géante » dans ma super librairie, cadeau de moi à moi 😀 )

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  4. celina dit :

    Oh, que je suis contente de ton emprunt ! Ce roman, je l’ai dévoré. Il y a plusieurs personnages, plusieurs destins, aucun temps mort, c’est fluide. Certaines scènes me donnaient l’impression d’être dans un film, du genre « Voyage au bout de l’enfer ». J’espère qu’il te plaira ! Et pour « Géante », tu t’es fait un chouette cadeau 🙂

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  5. Marie-Claude dit :

    AH… ton billet me replonge direct dans l’atmosphère des Corrections. Que de souvenirs. À te lire, je revois tout ce qui m’a marquée. Tout ce beau monde fouillé et disséqué. Quel portrait de famille! Le don de Franzen, pour moi? Savoir peindre ses personnages au point de les rendre réels. Il m’arrive d’avoir l’impression de croiser sur le trottoir, en marchant, un Alfred ou une Denise!
    Je suis plus mitigée avec «La zone d’inconfort». Je suis restée sur le bord de la route. Je me suis trop sentie à l’étroit dans ce roman à saveur (trop?) personnelle. Heureusement que je l’aie lu après «Les corrections» et «Freedom», sans quoi je n’aurais sans doute pas été plus loin dans ma découverte de l’oeuvre. Pour moi, la force de Franzen est dans le long souffle. Quoique… son dernier gros opus, «Purity», m’a vraiment déboussolée. Il prend une direction qui m’emballe moins (centrée davantage sur le social que sur le personnel). J’ai lu «Purity», mais en sautant tellement de passages que je n’en parle même pas! «Les corrections», puis «Freedom» demeurent pour moi ses chefs-d’oeuvre.
    Tout ça pour dire que je suis contente que Franzen apparaisse ici et donne envie à d’autres de le découvrir!
    Pis encore un mot! Il y a les romans familiaux du quotidien (genre «Les corrections») et il y a les grandes sagas familiales. Si ces dernières sont souvent très appréciées des lecteurs, les premiers le sont beaucoup moins. Je peux comprendre que ceux qui lisent pour s’évader n’apprécient pas ce genre de lecture. Mais pour ceux qui aiment comprendre et disséquer le «monde proche» qui les entoure, ce type de roman est un pur régal. Moi, tu t’en doutes bien, j’adore!

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    • lespagesversicolores dit :

      Merci Marie-Claude pour ce commentaire! 🙂
      Ces deux découvertes + ton avis sur Freedom me donnent envie d’aller encore fouiller dans les côtés obscurs de l’humain 😉
      Par contre si tu as aussi passé des pages pour Purity, je laisse tomber !

      J’aime les deux penchants des romans familiaux c’est peut-être pour ça que j’aime tant Oates qui elle aussi s’amuse à disséquer des familles bien sous tout rapport 🙂

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